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MessagePosté : lun. 23 sept. 2013, 17:29 
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Pénalisation des clients de prostituées : Mme Vallaud-Belkacem commence à m'excéder
La semaine dernière, on apprenait que la France allait opter pour un délit de recours à la prostitution. En clair : les clients de prostituées, considérés comme auteurs de violences, pourraient être sanctionnés. Pour la philosophe Laura-Maï Gaveriaux, la position de la ministre des Droits des femmes à ce sujet est moralisatrice, cynique et politicienne. Explications.
Citation :
Je vais commencer par le dire sans détours : je commence à être profondément excédée par notre ministre des Droits des femmes, et à peu près tout ce qui sort de son cabinet. Quoi d’étonnant à cela, puisque ceux qui le composent sont issus de la branche du féminisme français qui est celle avec laquelle je suis le plus en désaccord intellectuellement.

Je me suis d’ailleurs souvent demandée si le désaccord était vraiment intellectuel, tant certaines de leurs productions semblent vides de toute réflexion proprement théorique et conceptuelle, à l’heure où il est de bon ton de se joindre aux anathèmes anti-intellectuels (cf. "Arrêtez de parler, agissez !", "Trop de mots compliqués, vous êtes prétentieuse !", "Élitiste, universitaire parisienne !" et j’en passe – très bref florilège du genre de choses que l’on me jette à la figure à chaque fois que j’essaye de développer un peu de raisonnement au-delà des 140 signes devenus conventionnels).

Outre le projet de loi pour l’égalité des hommes et des femmes présenté le 16 septembre au Sénat (comme si d’ailleurs elle inventait le concept), brassage de vent politiquement correct sans réelle assise idéologique, ce retentissant projet de pénalisation des clients de la prostitution, ambitieux fiasco éthique, politique et intellectuel, mené tambour battant par une des ces parlementaires qui rêvent de voir leur nom inscrit au Panthéon des passionarias de la cause des femmes, j’ai nommé Maud Olivier.

"L’abolition de la prostitution", rêve du féminisme socialiste de la décennie 2010, et surtout belle opportunité politicienne d'asseoir une carrière, parce que, disons-le sans fioriture, c’est de cela qu’il s’agit. La mode serait à l’interdiction du lait dans le café du matin, que Mme Najat Vallaud-Belkacem se serait jetée dessus, plébiscitée par sa suite courtisane.

J’ai tellement déjà écrit, en philosophe, sur l’absurdité du projet, que j’ai l’impression de réécrire chaque fois le même article. Je vais tenter de schématiser les termes de la discussion, encore une fois, sans pour autant m’imaginer que mes adversaires me liront en toute bonne foi… Ce serait bien une première !

Ce gens, qui se nomment eux-mêmes les abolitionnistes, font un amalgame entre prostitution et esclavage sexuel. Outre que c’est juridiquement absurde, les implications relatives à la conception de la femme sont, d’un point de vue éthique, dévastatrices. Il y a d’une part une pratique, la prostitution, et, de l’autre, un crime, forcer une femme à se prostituer.
Contre-argument : on ne peut jamais choisir volontairement la prostitution, on se trompe en croyant être libre.
Réponse : je ne me risquerai pas à proposer un cours sur les notions de choix volontaire et de libre-arbitre à Mme Vallaud-Belkacem, même si cela serait vraiment salutaire, mais je lui ferai remarquer qu’il y a tout de même quelque chose de savoureux dans la démarche d’une personne prétendant à l’égalité des hommes et des femmes de partir du principe qu’une femme est nécessairement incapable de faire des choix pour elle-même, dans l’absolu.

Une femme, je le rappelle, a la même capacité de réflexion que les hommes ; une femme pauvre a les mêmes capacité de réflexion que Mme la Ministre dans ses jolis chemisiers en soie ; une immigrée clandestine a les mêmes capacités de réflexion que nos illustres représentantes du peuple déambulant dans les couloirs feutrés de l’Assemblée nationale.

Pour ma part, je respecte la pute qui complète son RSA en taillant trois pipes derrière le camion, et qui préfère ça au fait d’aller passer des briques de lait à la caisse d’un supermarché… Je respecte toutes les putes en fait et, pour cela, je pars du principe qu’elles ne sont pas plus stupides que moi, avec mes huit années d’études supérieures, et qu’elles sont donc capables de faire des choix libres et réfléchis quant à l’usage de leur corps.

Contre-attaque des "abolitionnistes" : il y a des réseaux criminels et les femmes qu’ils exploitent ne sont pas libres de se prostituer.
Réponse : oui, c’est vrai, mais cela n’est pas la prostitution. Cela, c’est l’esclavage sexuel, c’est un crime, et c’est à la justice et à la police de s’y attaquer. Les outils, d’ailleurs, existent déjà. Mais c’est vrai que de l’accepter signifierait aussi, pour Mme Vallaud-Belkacem, de ne pas aller parader à l’Assemblée en espérant avoir une loi à son nom… Such a shame, comme disent les ados !

Pour compléter l’argument je rappelle qu’il existe l’acte sexuel, il est de droit consenti. Et puis, certaines personnes sont des criminels qui commettent des viols. Faut-il interdire la sexualité pour lutter contre le viol ? Bref, ce schéma de raisonnement est absurde.

Contre-attaque : dans les faits, notre loi sera pédagogique, nous savons que nous n’éradiquerons pas la prostitution, mais nous donnerons des armes aux prostituées qui pourront menacer leur client de le dénoncer, si celui-ci exige des actes sexuels non consentis par exemple.
Réponse : ben voyons, on imagine la scène en effet, d’une prostituée face à ce qui semble être un individu peu respectueux de l’être humain d’emblée… Alors que sera la réaction de cet individu (qui peut inscrire la violence dans son schéma relationnel en exigeant un acte sexuel auquel ne consent pas la prostituée), lorsqu’elle en viendra à la menace de dénonciation, là, dans une rue sordide (puisqu’on les repousse toujours plus loin des centres-ville), derrière un camion ? Un bon petit tabassage en règle et hop, on file, ni vu ni connu. Bravo Mme la Ministre, votre pragmatisme est sans limite.

L'État n'a pas à statuer sur la valeur morale de la prostitution
Faut-il le rappeler, la sexualité est l’affaire de chacun, ce que je fais de mon corps ne regarde que moi dans un État de droit moderne et démocratique. Si je décide de me prostituer pour gagner ma vie, je ne vois pas au nom de quoi ces élues bien respectables, bien propres sur elles, qui captent certes fort bien la lumière des projecteurs sur les plateaux télé, seraient plus légitimes que moi à décider pour moi. Pas plus que ne le serait un homme violent qui voudrait me forcer à faire la pute pour alimenter son réseau mafieux.

Ce qu’il faut garantir, c’est la liberté pour chaque individu de faire des choix pour lui-même et de les mettre en œuvre. Lutter contre les crimes de l’esclavage sexuels oui, statuer sur la valeur morale de la prostitution, ce n’est pas le rôle de l’État. Pourquoi, d’ailleurs, me demanderont certains ? Parce que dans un État de droit moderne et démocratique, les individus sont libres d’adhérer au système de valeurs de leur choix (d’où la laïcité, par ailleurs). En termes philosophiques : l’État doit être neutre à l’égard des conceptions du bien.

Le mouvement qu’est en train d’imprimer Mme Vallaud-Belkacem, c’est qu’il y a certaines conceptions du bien, et que nous devons nous y tenir, même si nous ne sommes pas d’accord avec elles. Et elle imprime ce mouvement à l’un des domaines les plus intimes de l’existence humaine : la sexualité. Il y a la bonne sexualité, bien bourgeoise, bien propre sur elle, institutionnalisée. Et il y a les déviants : les clients (les putes étant, elles, de pauvres victimes, probablement un peu débiles, et sinon, malsaines).

Mais ça, c’est juste un dommage collatéral du carriérisme. En fait, ce rapport n’est là que pour nourrir les ambitions politiques de quelques femmes, qui sont devenues féministes parce que c’était sûrement le créneau le plus facile à occuper pour elles. Après tout, nous sommes bien à égalité avec les hommes face au pouvoir, j’en suis certaine. Le cynisme politique n’est pas un monopole masculin.
Ce qui me permet de dire que ce projet de loi est cynique, c’est la lecture bien attentive du rapport remis par Mme Maud Olivier la semaine dernière. D’ailleurs, c’est bien simple, on m’avait demandé d’écrire ce billet pour le jour même, il m’a fallu presque une semaine, parce que je voulais éplucher ce rapport, avant d’écrire dessus.

Et, dans l’ensemble, il est intéressant ce rapport. Hormis les recommandations de pénaliser les clients de prostituées, il comporte un volet très détaillé sur leurs conditions de vie, leur accès à la santé, à la justice sociale, à la justice institutionnelle et aux droits… Bref, tout ce pourquoi moi-même je me bats lorsque je parle de prostitution. En avez-vous entendu parler ? Bien sûr que non. C’est tellement moins propice au tapage médiatique que ce que Mme Vallaud-Belkacem a choisi de mettre en avant en parlant de son projet de loi futur…

C’est vrai, je suis de gauche, mais je ne peux pas cautionner une telle comédie. Et dans ce débat qui promet d’être encore bien long, je ne manquerai pas d’arguments à présenter, tant ce gaspillage de temps politique, et de temps de cerveaux disponible, est navrant. Si un tel projet de loi devait être déposé, je ne pourrai que m’engager contre son adoption. Il en va de principes cardinaux du fonctionnement démocratique (la liberté individuelle, la neutralité de l’État à l’encontre des conceptions du bien), et il en va des implications concrètes qui en découleront (moralisation de la sexualité, marginalisation des prostituées et, ne l’oublions pas, des prostitués).
Mme Vallaud-Belkacem (et je m’adresse aussi, par là même, à Mme Olivier et à l’ensemble des prestigieux conseillers qui s’affairent dans leur sillage), Madame la ministre, vous êtes dangereuse. Et si vous voulez vraiment mettre votre nom sur un texte de loi, essayez de veiller à ce que c’en soit un qui n’ait pas de si navrantes conséquences. C’est cher payé pour un peu de gloire personnelle !
http://leplus.nouvelobs.com/contributio ... ceder.html" onclick="window.open(this.href);return false;


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MessagePosté : lun. 23 sept. 2013, 20:57 
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Superbe article, j'applaudis des deux mains. respect Madame Gaveriaux :chin:

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MessagePosté : mar. 24 sept. 2013, 08:19 
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Droite-Gauche, même combat et avec les mêmes armes. Etonnant? Quoi que....... :roll:

Brigitte Lahaie propose une pétition contre cette loi, c'est ici:
http://www.rmc.fr/info/522092/petition- ... titue-e-s/" onclick="window.open(this.href);return false;

Pour ceux que cela intéresseraient.

Et elle milite pour un statut de la (ou du) prostitué. Ce qui pourrait faire avancer les choses. :)

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MessagePosté : mar. 24 sept. 2013, 19:07 
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Je ne connaissais pas cette philosophe Madame Gaveriaux, mais je dis aussi bravo, enfin quelqu'un qui ne fait pas l'amalgame entre prostitution choisie et esclave sexuel. J'ai adoré son écrit. :champ:

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Ma liberté, c'est quand je veux, ou je veux avec qui je veux


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MessagePosté : lun. 02 déc. 2013, 16:57 
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Puisqu'il est aussi un philosophe -Daniel Salvatore Schiffer, je postes son article à la suite de celui de sa collègue. Paru sur Marianne.net.
Citation :
Des maisons de tolérance aux boulevards de l'intolérance

Pauvre France, pays dont l’esprit des Lumières, sinon l’identité culturelle, est à ce point malmené ces temps-ci qu’il ne sait plus à quel saint se vouer pour se croire encore la patrie des droits de l’homme ! Ainsi ce pays qui éleva jadis le libertinage au rang de philosophie (Sade, Laclos, Diderot, Gassendi, Cyrano…), et dont les célèbres maisons closes du temps jadis furent les sujets certes quelque peu surannés mais néanmoins délicieux de bon nombre de ses plus grands écrivains (de Maupassant à Klossowski, en passant par Baudelaire et Simenon) vient-il donc d’interdire également, par la plus hypocrite des pudibonderies, le plus vieux métier du monde : la prostitution. Car, que l’on pénalise la prostituée (sous la présidence de Nicolas Sarkozy) ou le client (sous la présidence de François Hollande), c’est toujours elle qui, quels que soient les arguments utilisés pour défendre cette loi, est visée

Entendons-nous : certes sommes-nous, comme toute personne dotée d’un minimum de sens moral, voire de simple bon sens, contre toute forme d’esclavage sexuel, dont la traite des êtres humains à des fins pécuniaires (ce que l’on appelle le « proxénétisme »), souvent relayée par d’abjects mais violents réseaux mafieux, s’avère l’un des crimes les plus odieux et, donc, punissables, à juste titre, par la loi.

Mais ce dont le législateur n’a pas voulu prendre en compte ici, quelle que soit sa bonne foi, c’est que cette sordide, misérable et dangereuse prostitution de rue n’est que la très dommageable conséquence, paradoxalement rétrograde, d’une vieille loi, elle-même aussi qu’liberticide qu’inadaptée : la fermeture, le 13 avril 1946, sous l’impulsion de Marthe Richard (ancienne prostituée au service de l’occupant nazi et, comme telle, repentie), des maisons closes, c’est-à-dire, en termes plus prosaïques, des bordels, fussent-ils de « luxe ».

D’où, afin d’éclairer cet éternel débat sur la prostitution, et de lui apporter ainsi une possible solution, cette réflexion : c’est à elles précisément, à ces bonnes vieilles maisons closes, structures certes modernisées et sécurisées, dotées de tout le confort matériel et l’encadrement nécessaire, comme on les voit naître aujourd’hui, sous les noms d’ « éros center », dans des pays aussi libres et civilisés que la Hollande ou la Belgique, que la France devrait retourner si elle veut vraiment éradiquer ce fléau social qu’est, effectivement, la traite des femmes (et quelquefois aussi, par ailleurs, des hommes).

Il n’est en outre pas dit, loin de là, que toutes les prostituées soient obligatoirement, comme par nature ou essence, de malheureuses et impuissantes victimes d’horribles proxénètes et autres infâmes réseaux mafieux. Non : je connais aussi, personnellement, de très dignes, honnêtes et élégantes prostituées, qui offrent librement leurs services sexuels, entre personnes adultes et consentantes, contre une somme d’argent bien plus honorable que celle de la plupart de nos honnêtes, courageuses mais surexploitées femmes de ménage (les pudiquement nommées « techniciennes de surface »), ouvrières, caissières et autres dame-pipi (préposées à nettoyer, pour quelques centimes mendiés et souvent dans les établissements les plus chics, la merde des autres) qui, elles, sont véritablement abusées professionnellement, tandis qu’elles servent à renflouer les poches de leur patron, pour un salaire de misère !

Morale de l’histoire : je trouve plus noble et moins humiliant, à tout point de vue (humain, financier et moral) une femme faisant librement et proprement une pipe à un client, pour 50 euros (et plus), qu’une pauvre femme obligée de s’abaisser, et parfois même de s’accroupir, afin, au comble de la soumission, de récurer, pour 50 cents (et moins), la cuvette de toilettes malodorantes, voire carrément puantes. Et ce n’est là, cette terrible dégradation de la personne humaine, qu’un exemple parmi tant d’autres !

Car qu’on se le dise : le véritable esclavage, le vrai mépris de la dignité humaine, n’est pas là où nos politiciens prétendument vertueux comme nos sociétés nouvellement prophylactiques veulent bien nous le faire croire lorsqu’ils stigmatisent ainsi, engoncés en leur loi aussi étriquée que leur col blanc, le plus vieux métier du monde. Non : le véritable esclavage, social et économique celui-là, c’est de devoir se lever tous les matins, d’emprunter quotidiennement l’enfer du périphérique ou du métro et de se faire commander par quelque obscur sous-fifre, afin d’aller gagner vaille que vaille son pain, plus souvent noir que blanc, et devoir ensuite retourner chaque soir, souvent tard et fourbu, pour avoir à peine de quoi payer son loyer, nourrir sa famille, et continuer indéfiniment à remplir, à force de taxes et d’impôts, les caisses de l’Etat, ce racketteur (à défaut d’être proxénète) institutionnalisé, ou, pis encore, ce Léviathan des temps modernes. C’est cela l’inacceptable indécence, la répugnante obscénité, la turpitude de l’appât du gain facile, et toujours sur notre dos !

Alors, je dis oui : vive les putes, du moins celles libres, majeures, vaccinées et consentantes, lorsqu’elles savent encore offrir, avec une caresse bien faite ou un très professionnel baiser, un peu de rêve, de charme, de tendresse et de douceur, fût-ce pour de l’argent, dans ce monde de brutes.

Je me souviens encore, avec gratitude et nostalgie, de cette pute au grand cœur, si humaine et si généreuse, qui me dit un jour, non sans une certaine dose de poésie, que les gouttes de sperme de ses clients n’étaient, bien souvent, que les larmes de leur solitude. Ces prostituées, un certain Leonard Cohen les baptisa d’ailleurs jadis, dans une de ses plus émouvantes chansons, « Sisters of Mercy » : « sœurs de pitié », en bon français. Admirable de compassion !

Cette solitude, ce fut aussi celle, précisément, de bon nombre de ces artistes et écrivains, grands amateurs de prostituées, que j’évoquais plus haut.

Mais le pis, avec cette nouvelle loi scélérate à la française, promulguée de surcroît par des hommes et des femmes dits de gauche (les socialistes), c’est que quelques-uns des plus beaux esprits de notre patrimoine littéraire et artistique risqueraient de se retrouveraient ainsi, aujourd’hui, en prison.

Le paradoxe, pour une société prétendument libre, moderne et démocratique, est énorme : Sade et ses « Infortunes de la vertu », Diderot et ses « Bijoux indiscrets », Laclos et ses « Liaisons dangereuses », Maupassant et son « Rosier de madame Husson », Baudelaire et ses « Fleurs du mal », Barbey d’Aurevilly et ses « Diaboliques », Renoir et ses « Prostituées au boudoir », Bataille et ses « Larmes d’Eros », Klossowski et son « Sade, mon prochain », pourraient se retrouver aujourd’hui, pour une simple passe, sinon derrière les barreaux, du moins au tribunal de police… la police des mœurs, la pire de toutes !

Quel progrès ! La France est devenue une civilisation qui, à l’instar des pas du « Moon Walk » de Michael Jackson, progresse, par une fabuleuse illusion d’optique, à reculons : à travers cette loi ayant désormais force d’interdit, sinon de tabou, elle a fait des anciennes maisons de tolérance les nouveaux boulevards de l’intolérance !

Un conseil donc, au mal nommé Hollande : qu’il aille donc faire un tour, justement, en Hollande, dans ce port d’Amsterdam que chantait naguère si bien le grand Jacques Brel, pour voir comme on y traite, avec dignité et respect, aussi bien les prostituées que leurs clients.

Et je le clame ici haut et fort : faudra-t-il ainsi que ces « salauds » (tel mon ami Frédéric Beigbeider) qui ont osé signer le désormais célèbre manifeste du « Causeur », en opposition à cette absurde et inique loi, pensent aux aussi à s’exiler prochainement, comme autrefois René Descartes, pourtant père du rationalisme moderne et monument de la philosophie française, à Amsterdam pour, sinon y vivre en paix, du moins avoir encore le droit d’y rêver à l’ombre des néons rouges ?



* Daniel Salvatore Schiffer est philosophe, auteur notamment de « Le Dandysme – Une esthétique de l’âme et du corps» (Presses Universitaires de France), « Oscar Wilde » (Gallimard – Folio Biographies », « Du Beau au Sublime dans l’Art – Esquisse d’une Métaesthétique » (L’Âge d’Homme), « Manifeste dandy » (François Bourin Editeur), « Métaphysique du Dandysme » (Académie Royale de Belgique).
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MessagePosté : lun. 02 déc. 2013, 20:25 
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