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Prostitution: le Sénat abroge le délit de racolage passif
Le Sénat a abrogé jeudi le délit de racolage passif en adoptant une proposition de loi (PPL) écologiste en ce sens, à l'issue d'un débat où des nuances sont apparues dans la majorité sur la question brûlante de la prostitution.
La PPL d'Esther Benbassa (EELV) a été votée assez largement. La gauche PS, EELV, les groupes CRC (communiste) et RDSE (à majorité PRG) ont voté pour, l'UDI-UC s'est abstenue et l'UMP a voté contre.
Le texte prévoit de retirer du Code pénal ce délit institué par la loi sur la sécurité intérieure du 19 mars 2003. Cette loi pénalise "le fait par tout moyen, y compris par une attitude même passive, de procéder publiquement au racolage d'autrui en vue de l'inciter à des relations sexuelles en échange d'une rémunération".
Tout contrevenant est passible de deux mois d'emprisonnement et de 3750 euros d'amende. La loi de 2003 était censée diminuer les troubles à l'ordre public, tout en permettant à la police, à l'occasion de la garde à vue des prostituées interpellées, de recueillir des informations sur les réseaux de proxénétisme.
La plupart des intervenants ont souligné que ces deux objectifs n'avaient pas été atteints, y compris Chantal Jouanno, conseillère du ministre de l'Intérieur d'alors, Nicolas Sarkozy.
"Tous les rapports disponibles soulignent les méfaits induits par la loi de 2003. Dégradation de l'état de santé des prostituées et des conditions de pratique de la prostitution. Augmentation de l'isolement et de la clandestinité", a assuré Esther Benbassa.
Elle a plaidé l'urgence de cette abrogation. Elle avait déjà déposé sa proposition en novembre 2012 avant de la retirer à la demande du gouvernement, qui souhaitait mettre en chantier un projet de loi global sur la prostitution. Ne voyant rien venir, elle a redéposé son texte avec l'accord du gouvernement.
La ministre de la Justice Christiane Taubira a émis "un avis de sagesse favorable" sur ce texte, insistant sur "la nécessité d'une action plus globale", mais aussi sur le fait que le délit de racolage touche des "victimes", "des personnes fragiles économiquement, socialement et juridiquement".
La ministre des Droits des femmes Najat Vallaud-Belkacem a rappelé que l'abolition de cette disposition était un engagement de François Hollande et qu'il "sera tenu". Elle a cependant mis en garde: abroger ce délit "ne signifie aucunement admettre une quelconque forme d'impunité à l'égard des proxénètes", et a promis à nouveau "un plan global contre la traite des êtres humains à l'automne".
Les socialistes ont soutenu ce texte, mais sans enthousiasme, le jugeant "imparfait car trop réducteur" (Philippe Kaltenbach) ou "prématuré" et "ne répondant pas au problème" (Jean-Pierre Godefroy). Ce dernier a déposé un amendement qu'il devait finalement retirer proposant de revenir à la législation d'avant 2003 à savoir de punir le racolage d'une amende.
"Il ne faut pas voir dans ce texte autre chose que ce qu'il est, la réparation de ce qui a été mal fait", a résumé le président de la commission des Lois Jean-Pierre Sueur (PS). Tous les intervenants PS, CRC ainsi que Chantal Jouanno (UDI-UC) ont réclamé ce "texte global" promis. "N'attendons pas" a au contraire déclaré Brigitte Gonthier-Maurin (CRC) présidente de la délégation sénatoriale aux droits des femmes.
"Le débat ne fait que commencer", a lancé Laurence Rossignol (PS) illustrant le malaise au sein de la majorité entre "abolitionnistes" partisans de la suppression de la prostitution et d'une pénalisation des clients, et d'autres pour qui l'éradication de la prostitution serait vaine, prônant la protection des prostituées.
Esther Benbassa s'est ainsi située dans la "lignée" qui "condamne le réglementarisme dégradant et le proxénétisme. Mais pas forcément la prostitution".
Joëlle Garriaud-Maylam (UMP) a défendu le délit de racolage "certainement insuffisant, mais qui a le mérite d'exister". "Il ne faut pas viser l'éradication de cette activité, car une bonne partie des clients (y) ont recours pour répondre à des besoins sexuels non satisfaits ou qui sont en détresse sexuelle", a déclaré à contre-courant Michel Savin
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