Le gros pénis: une joie ou une souffrance ? 03/08/2011 | 09H38
19 cm : BM ou TBM ? Les dépositaires de gros pénis sont-ils si fortunés et vaniteux qu'on peut l'imaginer ?
Que nous reste-t-il de Raspoutine, guérisseur débauché, assassiné en 1916 à la cour de Nicolas II de Russie ? Peu savent qu'il aurait soigné l'hémophilie du fils du tsar par imposition des mains et qu'il a sans doute été l'amant de la tsarine. Plus nombreux sont ceux qui colportent la légende de son imposant pénis de 29 centimètres, qui aurait été coupé lors de son assassinat.
Le membre, que de nombreux fétichistes ainsi que sa fille ont prétendu posséder, trône aujourd'hui au musée de l'Erotisme de Saint-Pétersbourg. Du moins le croit-on, la maison de vente aux enchères britannique Bonhams ayant déjà fait en 1994 l'expérience d'une fraude en acquérant un concombre de mer en lieu et place de la verge historique (le fait nous a été confirmé par la maison mère). Qu'importe, dans son titre Rasputin, le groupe disco Boney M., peu soucieux d'exactitude historique, l'a immortalisé comme "Russia's greatest love machine". Soulevant la question délicate et obsessionnelle de la taille du pénis et des avantages à être bien doté.
Inutile de revenir sur la sacralisation du phallus, qui a traversé les époques avec une vigueur inaltérée. Hantant la production artistique depuis les sociétés primitives jusqu'à la série américaine Hung, en passant par les priapes grecs, Cent ans de solitude, South Park et l'obélisque de la Concorde. L'imaginaire collectif affectionne les érections de qualité. Mais qu'en est-il IRL (in real life) ? Que se cache-t-il réellement derrière le terme "grosse bite", les filles s'évanouissent-elles de plaisir à la vue d'un bel organe ? Et leurs chanceux dépositaires sont-ils si fortunés et vaniteux ?
Certainement pas Felix, sujet britannique de 29 ans qui n'hésite pas à parler de handicap à propos de son sexe, dont il refuse de donner la taille exacte mais qui "dépasse largement le cadre de la normalité".
"Dès qu'il a commencé à devenir imposant, alors que j'étais adolescent, mon sexe est devenu un objet de honte", confie-t-il. "Aller à la piscine ou simplement porter un short s'est transformé en angoisse. Je rêvais de le découper ou de me faire opérer, je n'osais en parler à personne."
Même dans un pantalon normal, Felix a du mal à dissimuler sa vraie nature. Et lors des fouilles aéroportuaires, la même scène se reproduit inévitablement lorsqu'il est palpé par un agent croyant avoir mis la main sur un paquet suspect. Avec les filles aussi, la surprise laisse place à la perplexité. "Quand je rencontre une fille, je n'ose pas la prévenir, et passé l'effet d'éblouissement, je sens bien que ça la dégoûte." Pour assombrir le tableau, Felix ne connaîtra jamais la joie de pénétrer entièrement sa partenaire et avoue quelques problèmes à maintenir son érection.
“Un gros pénis demande en moyenne plus de carburant que les autres”, avance l’andrologue Ronald Virag, auteur de la bible sur le sujet, Le Sexe de l’homme. S’il faut en moyenne 133 ml de sang pour ériger un sexe moyen (10,84 cm au repos et 15,11 cm en érection), certains spécimens demandent le double. “On constate qu’un pénis ayant besoin d’un volume important conserve en général moins bien l’érection que les autres”, explique le spécialiste.
Les détenteurs d’un mégapénis sont rares et disposent pour se consoler (outre la chirurgie dans certains cas) du livre How to Live with a Huge Penis (2009, non traduit en français), bourré de trucs et astuces à leur intention.
Restent ceux qui sont suffisamment au-dessus de la moyenne pour se targuer d’en avoir une grosse. Au-dessus de 20 cm en érection, “une rareté” selon Virag, qui a “vu” plus de 15 000 hommes dans son cabinet (environ 1,8% des sujets selon les études). Ou à partir de 17 cm, soit environ 13% de la population concernée. Lionel, lui, avoue 19 cm de long et 6,5 cm de large. Il n’aborde pas les filles plus facilement, mais s’attend naturellement en se déshabillant “à de petites exclamations d’agréable surprise”.
“Je suis fier de mon zguègue, raconte le trentenaire, mais si on me demandait de me définir en trois points, je ne penserais pas à la taille de mon sexe.”
Il confesse une interdiction récurrente de pratiquer la sodomie et une récente petite amie à l’ouverture buccale insuffisante. “Un grand sexe ne donne pas plus de plaisir à la partenaire, c’est plutôt la largeur qui va compter”, explique Ronald Virag, qui rechute dans les chiffres : “Chez la femme, il y a 8 cm entre l’orifice et le col de l’utérus, plus 3 cm avant le cul-de-sac de Douglas (sic).”
Les demoiselles interrogées sur la question font généralement la différence entre leurs fantasmes et la pratique. Lou, “pas fan de grosse bite”, en donne un bon résumé :
“Le premier mec avec qui j’ai fait l’amour avait un truc vraiment très très impressionnant, aussi large que long. J’avais déjà vu des bites et joué à touche-pipi, donc je voyais bien qu’il s’agissait d’un modèle XXL. J’avais beau être tout à l’excitation du moment, je me suis quand même dit que j’avais pas trop de chance pour une première fois et que j’aurais peut-être préféré un mec un peu moins bien équipé pour briser mon petit hymen.”
L’avis des filles n’est pas ce qui compte le plus : les histoires de taille de bite sont plutôt des affaires de garçons. Bien plus que leur longueur en érection, ce qui tracasse les messieurs, c’est la longueur au repos, c’est-à-dire au vestiaire. “Ça ne m’a jamais donné plus d’assurance avec les filles, mon problème était plus visible, j’avais des boutons, raconte Nicolas, 29 ans, 20 cm et marié. Mais c’est plus un truc entre copains, je sors plus facilement ma bite en soirée que d’autres”, reconnaît celui que ses amis appellent Brad, pour “bras d’enfant”.
“Même si Lacan a bien dissocié le phallus et le pénis, il reste pour les garçons un fort enjeu de pouvoir”, explique le psychanalyste Serge Hefez. Du coup, un garçon bien membré “va se sentir mieux armé dans la rivalité de vestiaire et pourra avoir une meilleure confiance en lui”.
C’est le cas de Gaspard : “Malgré toutes mes incertitudes, mes maladresses, je sais qu’à ce niveau-là, ça va. Qu’au moment de se déshabiller j’aurai les arguments.” “Même dans la vie de tous les jours, ça me donne plus d’assurance”, explique-t-il, certain que l’on peut reconnaître à leur attitude les garçons bien membrés, qui seraient pourtant selon lui plus flemmards au lit. Et même s’il n’a “jamais rencontré quelqu’un qui en avait une aussi grosse” que lui, il raconte : “Un jour, j’annonce la taille de ma bite à un mec qui cherchait un plan TTBM (très très bien membré – ndlr), je lui annonce mes 20 cm et il me répond, presque dégoûté : ‘Ah ouais non, laisse tomber, t’es juste BM.’ ”
Hugo Lindenberg