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On connaissait le bondage, l’art du ligotage érotique, voici venir le shibari. La différence ? Aucune, ou si peu. Sauf que le second, fort de sa crédibilité nippono-arty, s’accompagne d’un phénomène de mode bien réel. Avec ses ateliers, ses stages, ses expositions… Et surtout un public majoritairement déconnecté des cercles fermés du SM.
Il y a encore quelques mois, pour « pimenter sa vie de couple », on s’achetait des sextoys ou l’on s’offrait une sortie en club libertin. Le top, désormais, c’est de s’inscrire à un stage de shibari. Art militaire de tradition japonaise (à l’origine, il était utilisé pour ligoter des prisonniers), le shibari s’est ensuite transformé en art érotique, longtemps cantonné aux cercles fermés du sadomasochisme. Mais la tendance au SM chic dans la mode et l'imagerie culturelle incite un nombre grandissant de néophytes à s’adonner aux joies du ligotage.
Telle Valérie, trentenaire parisienne qui s’est offert avec son amoureux un stage à la Shibari School. « C’était une chouette expérience. On apprend la technique des cordes en s’amusant, dans une ambiance détendue, pédagogique et finalement pas très érotique, car il faut être super concentré, surtout au début. ».
Jérôme Gouvrion, son professeur, revendique cet état d’esprit. « La Shibari School se veut un lieu de partage et de convivialité. Beaucoup de personnes réticentes à cette pratique pourraient changer d'avis en voyant une séance. Assister à une démonstration ou suivre un cours permet de découvrir l'envers du décor, tout ce qu'une image photographique ne révèle pas forcément : l’humanité, la liberté de choix dont dispose la personne attachée, son exploration personnelle qui s'achève presque toujours sur un sourire et l'envie de recommencer. On parle, on plaisante, on attache ; même si on doit faire preuve de sérieux pour apprendre et pour rester attentif à la sécurité de celui ou de celle qui est attaché(e). »
De fait, sans un minimum de formation, le shibari peut occasionner de sérieux dégâts (contusions, étouffements…). C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles certains vétérans du SM s’opposent à sa démocratisation. Comme Paul, 54 ans : « Je pratique le SM depuis toujours. C’est à la fois ma sexualité et ma philosophie. J’en assume sans problème le côté élitiste et je pense qu’il devrait le rester. Le bondage est un art véritable. Pas un petit jeu anodin. »
Au-delà des dangers d’une pratique non maîtrisée du bondage, c’est aussi son intégration à un libertinage un peu fourre-tout qui fait grincer les dents des puristes. « Le bondage et les pratiques SM en général ne sont pas des jeux coquins, comme je le lis parfois, continue Paul. Quand une personne soumise décide de s’unir à une personne dominante, l’enjeu relationnel va bien au-delà de l’instant sexuel. Il s’agit d’établir un lien de confiance, de respect, de don de soi de part et d’autre. Attacher sa petite amie sans être dans un lien de soumission domination n’a aucun sens, et encore moins de saveur. C’est un peu comme boire de la bière sans alcool ! ».
Valérie n’est pas tout à fait du même avis. « J’aime être un peu soumise quand je fais l’amour avec mon chéri, mais je ne me dis pas que je suis son esclave et je n’ai aucune envie de me prendre des coups de fouets ou que sais-je d’autre ! L’intérêt de pratiquer le shibari en amoureux, c’est de pouvoir aller un peu plus loin dans cette démarche, sans pour autant adhérer au folklore SM, que je trouve personnellement un peu ridicule. »
Il est vrai que le bondage est souvent associé à l’imagerie eighties un peu ringarde des domina en cuir. Le shibari, à l’inverse, évoque en premier lieu les photographies de Nobuyoshi Araki, grand amateur de jeux de cordes et artiste très respecté sur la scène internationale. Ses clichés de jeunes femmes ligotées ont rejoint les collections des plus grands musées et ses ouvrages trônent sur les étagères de toutes les bibliothèques branchées. Une caution arty qui contribue à rendre la pratique beaucoup plus glamour et tendance.
Les 29 et 30 janvier dernier, un salon international du shibari a réuni des dizaines d’artistes et performers à Tokyo, à l’initiative d’Hajime Kinoko, artiste japonais qui n’attache pas seulement les femmes mais aussi les arbres dans les forêts… Ce mois-ci, à Paris, pendant qu’on se ligotait dans les soirées fetish, la galerie Orel Art faisait le plein avec l’exposition Shibari Translation, d’Ivan Plusch. Dans de nombreuses capitales d’Europe, les démonstrations le disputent aux expositions sur ce thème. Les plus paresseux peuvent même se faire la main sur leur smartphone via l’application Zenbound. Effet de mode ? « Le shibari, c’est le bondage pour les bobos, affirme Paul. On en parle en ce moment parce les médias branchés s’y intéressent, mais ça disparaîtra aussi vite que c’est venu. »
Confiant, Jérôme Gouvrion fait quant à lui le pronostic inverse : « Lorsque j'ai commencé mon activité de photographe spécialisé dans l'univers fétichiste, on voyait un seul type de public s'intéresser au bondage traditionnel japonais. Mais en plus de dix ans, j'ai constaté une évolution radicale de cette tendance. Aujourd'hui le shibari attire l'attention d'un public majoritairement déconnecté du milieu SM, des personnes sensibles à la sensualité et à l'esthétisme d'une pratique hors norme en provenance du Japon. Trouver des partenaires à l'aube des années 2000 était très compliqué. Aujourd'hui, je rencontre régulièrement des jeunes femmes qui sont fascinées par la beauté des cordes. L'esthétisme du shibari et l'absence de toute vulgarité sont deux raisons majeures créant un climat propice à la découverte pour un panel très varié d'individus. »
Le shibari, pratique bo-bo