@ mlle_heleneD : Tu soulèves un problème intéressant. La difficulté de vivre au quotidien en tant que celle que l'on est par rapport à son entourage, son milieu, sa vie professionnelle, le fait de se sentir femme sans être attirée par les hommes tout en étant attirée par "ses semblables" travestis, transsexuelles, et bien sûr par les femmes... Les amalgames, les connotations que l'on aura à devoir affronter, genre "tu t'habilles en filles c'est que tu es gay, homo refoulé, pervers, etc..." (car hélas, dans la tête de beaucoup de gens, l'homosexualité s'apparente encore à une perversion), on va s'entendre conseiller de consulter un psy, on va se faire rejeter par certaines femmes, on va se faire "classifier" par certains travestis, transgenres, transsexuelles, bigenres avec qui l'on dialoguera sur la Toile. Soumise ? Dominatrice ? Passive ? Active ? Et s'apercevoir par là que même au sein de cette communauté dont l'esprit devrait être ouvert, où devrait exister une forme de solidarité, l'étiquetage va bon train et si tu n'entres pas dans un tiroir prédéfini, on te jette. Tu vas tomber sur des queutardes pour qui le seul enjeu est ton cul, tu vas faire des cams où on va te soumettre à un véritable examen clinique avant de t'envoyer ch..er parce que ton corps ne correspond pas aux canons du trans tel qu'on en voit sur les sites spécialisés de la Toile.
Il y a aussi la question du contexte défavorable : on choisit de moins en moins sa vie, on choisit encore moins le milieu d'où on vient, il y a un monde entre pouvoir vivre sa vie de femme dans l'anonymat de certaines grandes villes où il sera facile de se rencontrer entre semblables, et essayer de la vivre, cette vie de femme, dans le trou-du-cul-du-monde où on vit plus par nécessité que par choix, et où les amitiés en jupe sont rarissimes parce que tout le monde se connaît et que les différences, on les paie plein pot, moqueries, quolibets, exclusion. De ces coins où selon les accidents de la vie, on va risquer de se trouver un jour acculé(e) à un terrible isolement. L'appartenance à certaines catégories socio-culturelles particulièrement conservatrices, comme le monde ouvrier, le milieu rural, la petite fonction publique, va malheureusement contraindre certaines d'entre nous à renoncer à leur vie de femme, car dans ces milieux, la différence ne pardonne pas, et le manque d'argent va faire que l'on pourra moins sortir, se déplacer, rencontrer de nos semblables ailleurs où l'herbe est plus mauve.
Enfin il y a l'imagerie fesse, night-clubs glauques, rencontres clandés dans les chiottes d'aires de repos, qui va peut-être coller aux fantasmes de certaines d'entre nous, mais dont toutes les autres vont souffrir car c'est d'abord ça qui est présent dans l'esprit des gens. Les travelos, les trans, ça s'habille en pute et ça va pomper le père de famille dans les tinettes des squares.
Bon, je fais partie de celles/ceux qui vivent dans des petits bleds où vivre sa vie de femme est quasi impossible, hors-milieu, hors-contexte, pas de lieu, pas d'assos, univers globalement macho. Ma vie de nana je la vis chez moi de façon très insatisfaisante, j'évite certains sites web où je n'ai plus envie de me taper des cams de gros malades, je n'ai pas un corps de bombe sexuelle, je ne suis plus toute jeune et ma féminité j'aimerais bien la vivre autrement, au-delà, et m'y épanouir avec d'autres personnes qui ont envie de ce dont j'ai envie. Mais ce n'est vraiment pas facile et je te comprends, mlle_heleneD, et je compatis tristement !
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