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le 6 février 2012 23H35 | par Camille
Le procès du 8 février 2012, intenté par des associations catholiques contre un magasin de sex toys, met en lumière la législation française sur les commerces d’objets en rapport au sexe. Celle-ci s’est durcie en 2007 mais des projets de loi ont régulièrement poussé pour cette évolution.
Baptiste Coulmont, sociologue et auteur de « Sex-shops, une histoire française« , s’en faisait déjà l’écho en 2006 à travers l’histoire de la famille Perrut, combattants anti sex-shops de père en fils (on ne sait pas s’ils étaient clients) :
« Les propositions de loi contre les sex-shops sont régulières. Il y avait eu, au Sénat, l’examen d’un projet qui, déjà, étendait la zone interdite. Exemple, en 1983 Jacques Dominati dépose une proposition (n°1787) cosignée notamment par Francisque Perrut. En 2000, Laurent Dominati, toujours, dépose une proposition (n°2439) cosignée notamment par Bernard Perrut (fils de Francisque Perrut, qui a succédé à son père à l’Assemblée nationale). En 2006, c’est Bernard Perrut qui fera une proposition de loi (n°3209). »
La loi de 2007 n’est pas très précise, elle condamne les « objets pornographiques ». Avaient-ils voulu viser spécifiquement les magasins qui vendent des sex-toys ? Oui d’après Baptiste Coulmont :
« Le rapport de la commission des affaires sociales du Sénat est assez clair : « Le présent article modifie la définition des établissements interdits d’installation à proximité des établissements scolaires, en visant non plus la vente de revues mais la vente d’objets à caractère pornographique, couramment appelés « sex-toys » ». C’est, à ma connaissance, la première (et la seule?) fois que le terme « sex toys » apparaît dans un document du Sénat. »
Cette nouvelle loi lève aussi, selon le Sénat, l’ambiguïté du texte de 1987 sur les kiosques et autres libraires. Car auparavant, étaient concernés les « établissement dont l’activité principale est la vente ou la mise à disposition au public de publications dont la vente aux mineurs de dix-huit ans est prohibée ». On trouve donc dans le même rapport du Sénat :
« Cette nouvelle définition devrait empêcher les établissements de contourner l’interdiction, en arguant du caractère non majoritaire de leur activité de vente de revues. Elle permet également de lever le doute quant à l’inclusion ou non dans cette réglementation des kiosques et des libraires qui consacrent une partie de leur activité à la vente de revues érotiques. »
Pan : les kiosques ne sont pas concernés! Pour le sénat, donc, les « objets pornographiques » sont les sex-toys. Les revues pornographiques n’en sont plus. Soyez rassuré braves gens, vos enfants peuvent dormir en regardant la couverture de hot vidéo mais le canard vibrant que vous planquez dans votre salle de bain ou ma gentille chenille exposée sur mon étagère pourrait traumatiser un enfant. On le voit, l’intention était de faire basculer l’interdiction des revues aux sex-toys. Il semble clair que les sénateurs ont écrit cet article de loi avec leur pied au lieu de prendre leur pied. Manifestement, ne voulant pas écrire « sex-toys » dans les tables de la loi, se sont contentés du prude « objets pornographique »… qui ne veut rien dire, et qui désigne donc un sex-toy et donc potentiellement une carotte ou un concombre comme s’en étaient rendus compte avant eux certains religieux.
Jean-Eudes Tesson, qui préside CLER Amour et Famille, une des associations qui a attaqué le magasin de sex-toys 1969, trouve d’ailleurs, avec une certaine cohérence, que les sex-toys qui ne ressemblent pas à des pénis ne devraient pas être concernés tandis qu’il faudrait que les kiosques à journaux cessent d’exposer les enfants à la pornographie :
« Un jour, au bureau de tabac des Sables-d’Olonne ou j’habite, je vois, affichée dehors, la couverture d’une revue où on observe une fille avec la main dans sa culotte transparente, à hauteur des yeux des enfants. Ce tabac est situé le long de la plage, des centaines d’enfants passent devant chaque jour. Je me suis plaint au tabac qui n’a rien voulu savoir, donc j’ai fini par enlever l’affiche moi-même. »
On voit là qu’il est plus facile de s’en remettre à la loi quand elle vous arrange (l’extension de la loi + lien article précédent), et à prendre des libertés avec elle (arracher soi-même une affiche) quand elle vous déplaît. En résumé, la loi de 2007 mériterait pour le moins d’être précisée, elle s’appuie en tout cas sur une nouvelle sémantique du contrôle moral : les bonnes mœurs ont été remplacées par la protection des victimes, ici les enfants.
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Citation :
Au Sénat, en 1997, lors d'une première tentative (échouée) de durcissement de la loi de 1987, Robert Badinter avait déjà résumé la situation: «Si nous prenons la carte d'une ville et que nous traçons un périmètre d'un tel rayon autour de chaque établissement, nous couvrons toute la ville! (...) Par conséquent, ce que vous faites en cet instant, par une voie détournée, c'est supprimer purement et simplement les sexshops.»
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Représentation de la zone d'interdiction à Paris.jpg [ 130.83 Kio | Vu 1603 fois ]
L'article intégral sur le site de Libé