Des sextoys grandeur nature. C’est ce que fabrique chaque jour Dominique B., dans son usine du Nord de la France. Les poupées qu’il façonne à partir de latex sont brunes, blondes ou rousses… mais servent-elles simplement à assouvir les fantasmes des hommes ? Témoignage de cet ancien boulanger, qui a décidé de changer de vie.
Les poupées en latex de Domique B. sont à l'effigie d'une star du X des années 80 (J.SAGET/AFP)
Le sexe, c’est le nerf de la guerre. Alors, il y a 10 ans, j’ai décidé de me lancer dans la fabrication de poupées en latex grandeur nature.
C’est une activité qui surprend les gens mais que j’assume totalement. J'aime le sexe, et je suis heureux de pouvoir aider ceux qui ont des problèmes à ce niveau.
Il n’y a rien de malsain là-dedans, bien au contraire : c’est un exutoire pour certains hommes et un remède contre la solitude pour d’autres.
J’ai été boulanger pendant de longues années, puis gérant de boîte de nuit. A la quarantaine, j’ai voulu changer de vie. C’est à ce moment-là qu’un ami m’a proposé de reprendre la société de poupées en latex qu’il avait créée dans les années 80.
J’ai eu du mal à trouver des locaux, car mon activité ne plaisait pas à tout le monde… Les propriétaires acceptaient de me les vendre, jusqu’à ce que je leur explique qu’ils étaient destinés à la fabrication de poupées grandeur nature. Là, on me disait que ce n’était pas possible, que ça allait faire jaser le voisinage.
Du coup, j’ai fini par cacher une partie de la vérité en disant simplement que je tenais une entreprise de latex. C’est comme ça que j’ai pu m’installer à Courcelles-lès-Lens, dans le Nord-Pas-de-Calais.
Depuis, tout se passe bien. Quand j’ai réalisé mes premières poupées, j’ai invité les habitants de la commune et la mairie dans mon usine. On a bu un verre et certains employés municipaux sont même repartis avec des sextoys !
Mes proches aussi sont à l’aise avec mon travail. J’ai été marié plusieurs fois et j’ai eu cinq enfants d’unions différentes, qui sont également attirés par l’univers du sexe. Parfois, quand je vais présenter mes poupées dans des salons de l’érotisme ou dans des clubs libertins, ils m’accompagnent.
Quant à ma femme actuelle, elle ne risque pas d’être gênée, puisqu’elle aussi évolue dans le milieu du sexe : elle est strip-teaseuse.
Parmi mes clients, il y a principalement des hommes seuls. Certains sont timides, d’autres sont veufs et en achetant mes poupées, ils cherchent à combler un vide.
Parfois, j’ai des acheteurs plus surprenants. Je me souviens d’un couple de septuagénaires venu me rendre visite à l’usine. Très à l’aise, ils m’ont posé des questions sur la manière dont était fait le vagin de mes poupées et sont repartis avec un modèle. Ils avaient envie de ça, c’était leur dada !
Un autre client d’un certain âge a développé des sentiments pour sa poupée. Il était veuf, ses enfants avaient quitté le domicile familial, alors il s’est pris d’affection pour elle. Il l’habillait, il lui parlait et il me disait : "Ce n’est pas pour le sexe, c’est simplement pour avoir de la compagnie".
C’est étrange, mais si ça peut l’aider à aller mieux, j’en suis très content.
Mes poupées sont faites à l’effigie d’une star du X des années 80, dont le nom m’a échappé. J’ai de nombreux modèles, qui se déclinent en trois couleurs de cheveux : blond, roux et brun. En général, la poupée blonde a beaucoup de succès !
Si j’ai de bons retours sur mes produits, certaines personnes ont encore du mal à parler ouvertement de sexe. Ils achètent un modèle et me disent : "Ce n’est pas pour moi, c’est pour un ami". Sauf que moi, je m’en fiche, je ne suis pas là pour les juger !
Les stars du X aussi s’intéressent à mon travail. Dans mon usine, j’ai reçu de nombreuses actrices porno et l'une d'entre elle m’a même demandé une moulure de son sexe !
J’ai relevé le défi et j’ai réalisé cette moulure avec du plâtre alimentaire, le même qu’on utilise pour réaliser les empreintes destinées à la création d’appareils dentaires. Je ne sais pas ce qu’elle en a fait, peut-être qu’elle l’a exposé sur sa cheminée !
Mes poupées m’ont donc permis de faire de nombreuses rencontres et de vivre des situations amusantes, mais au-delà de ça, je pense qu’elles peuvent avoir une réelle utilité.
Il y a quelques années, j’ai écrit une lettre aux directeurs de prisons proches de chez moi, afin de proposer mes poupées aux détenus. Je me suis dit que ça pourrait aider certains d’entre eux à se sentir moins seuls et en aider d’autres, en prison pour viol ou pour pédophilie, à assouvir leurs pulsions sans être un danger pour la société.
Malheureusement, mon courrier est resté sans réponse, mais je ne désespère pas de voir ce projet aboutir.