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Le Beverley, dernier ciné porno de Paris, refuse le « cul malsain » par Arthur Nazaret, journaliste
Sous le néon rose de cette petite rue parisienne, le va-et-vient se fait moins fréquent. L’entrée de ce cinéma de poche reste pourtant accueillante. Les vieilles affiches – « Fessée coquine », « Angèle et ses amies », « Couples pervers » – gardent leur cachet. Pour résister au Web, l’arme du lieu sont les vieilles bobines.
Derrière sa caisse où s’empilent de petits paquets de mouchoirs blancs vendus 60 centimes, Maurice Laroche, le patron du Berveley, trouve l’après-midi décidément trop long. L’âge d’or de ce qui est aujourd’hui le dernier cinéma porno à Paris appartient au passé. Le chiffre d’affaires baisse. De 399 000 euros en 2008, il est tombé à 376 000 en 2009.
Dans la salle, deux films tournent en boucle. Ils changent toutes les semaines. Les 90 sièges en skaï rouge sont loin d’être tous occupés. Une centaine de clients poussent quotidiennement les portes de ce cinéma. Deux fois moins que durant les années 1990.
A l’écran, pourtant, les actrices ne ménagent pas leurs efforts. On voit une des actrices en pleine leçon de piano. Blonde, généreuse, elle suit les instructions d’un professeur à la houppette grise et au pull bien trop court. La leçon s’interrompt vite. A se demander si un jour Brigitte Lahaie saura jouer de cet instrument.
N’allons pas critiquer Brigitte Lahaie. Au Berveley, elle reste incontournable, comme en témoignent les posters de la cabine de projection. Pour résister économiquement à une offre démultipliée par le Web, ce cinéma joue la carte de la différence et des vieux films.
La programmation sent bon les années 70 et 80. Sam, un des habitués du lieux :
« Ce sont des films avec une histoire et sur lesquels on peut se projeter humainement. On voit des bistouquettes à taille humaine. Des femmes avec des poils et des seins non siliconés. »
Ici, le réalisateur John Love est une icône. Les acteurs Alban, Stan et Armand, des références.
D3 Distribution, qui fournit le Berverley, compte une centaine de films au catalogue. A la semaine, la location des deux longs métrages revient à environ 1 000 euros. « On prend de l’âge mais tant que monsieur Laroche tiendra, je tiendrais », promet Guy Drai, son fournisseur de pellicules à la soixantaine dépassée.
Comme eux, la clientèle, masculine, comporte une bonne dose de cheveux blancs. Les amateurs du Beverley se renouvellent difficilement. La fin du stationnement gratuit et la baisse du pouvoir d’achat n’ont rien arrangé, à en croire le patron. Il ajoute :
« Avant, nous avions beaucoup de VRP, de commerciaux mais avec les téléphones portables, ils sont suivis à la trace. »
« Au Beverley, c’est comme dans le milieu du sport, il y a du brassage », se félicite tout de même Patrick, qui a un temps travaillé là et qui sort la mine réjouie de « Vacances partouzardes ». Sam abonde : des cadres, des ouvriers, des avocats, des fonctionnaires fréquentent cette ancienne gargote auvergnate à deux pas du Grand Rex et des Grands Boulevards.
« C’est miraculeux qu’il arrive encore à tenir avec toute la concurrence qu’il y a », s’émerveille le gérant de D3 Distribution. Télévision, vidéo, DVD, Internet... Comment résister à YouPorn, sa gratuité et ses 2 millions de visiteurs mensuels en France ?
« Nous n’avons pas tellement de moyens de lutter », reconnaît le patron du Beverley. Lui n’aime pas le porno à la sauce Internet, « ce cul malsain, sans partage. C’est comme picoler chez soi et picoler au bistrot. »
Le premier coup de canif vient de plus loin. De la loi de 1975. Dès lors, aucune subvention n’est possible et les taxes sont bien plus élevées que pour les films ordinaires. Maurice Laroche souffle :
« La moralité des membres de nos chers gouvernements a fait du cinéma porno un ghetto. »
Lorsqu’en plus, il faut affronter la concurrence des salles vidéo des sex-shop (qui échappent elles au contrôle de la CNC, le Centre national de la cinématographie), la situation se complique.
Son atout, c’est « l’atmosphère »
A l’image, les actrices ne changent pas. Les « lolos de la pompiste » sont toujours les mêmes. Le salaire du patron, lui, diminue. Il ressemble désormais à un Smic. Soit trois fois moins que dans les belles années, quand Maurice Laroche avait encore deux employés contre un seul aujourd’hui :
« Si c’était rentable, vous croyez que je serais derrière la caisse ? »
Face au développement de l’industrie pornographique, son atout, à l’écouter, reste « l’atmosphère » de sa salle « réputée ». Qu’il a d’ailleurs refaite. Moins de places assises donc plus d’espace. Des sièges changés et une tribune pour les soirées dévolues à la poésie érotique et autres événements. Même la moquette a disparu. « On l’a découpée à la tronçonneuse. C’était devenu du parchemin », dit-il d’un air malicieux.
Les habitués veillent à l’esprit du lieu
L’« atmosphère » ? Sans doute faut-il y aller pour comprendre. Là, un bruit de braguette. Plus loin, le frottement d’un vêtement. Ici, un monsieur manifestement gaucher. De temps en temps, un petit râle pendant que des allers-retours aux toilettes, transformées en lieu de rencontres, rythment la séance.
Dans le couloir aux murs de briques, un vieil homme très digne se tient debout. Béret sur la tête, il se laisse prodiguer quelques soins par un spectateur assis.
Mais attention : au Berverley, « on ne se branle pas de façon frénétique mais de manière discrète », témoigne Sam, avec ses dix-huit ans d’expérience. « Rien à voir avec un sex-shop et “sa branlette Kleenex” », ajoute-t-il.
Les habitués – une trentaine – veillent à l’esprit du lieu et font remonter l’information en cas de débordement. Comme l’indique une affichette à l’entrée, « le personnel » se garde le droit de refuser les « indésirables ». Comprendre pas de « clodos », ni de personnes « agressives ». Quant aux perturbateurs, ils risquent l’exclusion. A 12 euros l’entrée, ce serait idiot.
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