Citation :
« Femmes je vous haine! » Voici la profession de foi d’un groupe Facebook. Pour éviter de lui faire une publicité qu’il ne mérite guère, appelons le GMH, pour Groupe Misogyne Haineux.
Le groupe a été créé en mai 2012. Depuis de nombreuses semaines, il suscite un certain dégoût, que ce soit chez les féministes ou plus généralement chez tous ceux que les appels à la violence émeuvent. Sa page a donc, comme il se doit, été signalée aux modérateurs Facebook à de très nombreuses reprises. Celles et ceux qui ont fait circuler sur les réseaux sociaux un appel au signalement de cette page pensent alors qu’elle va sauter rapidement.
Mais au bout d’un moment, il est permis de douter que ces signalements aux administrateurs de Facebook soient traités par qui que ce soit. Les semaines passent, et la page est toujours là, parsemée de contributions que le GMH a beau jeu de vouloir faire passer pour du second degré, que tout le monde ne comprend pas faute des « capacités intellectuelles nécessaires », d’après un administrateur. Petit florilège :
« Elle n’est pas plus mignonne dans cet état là ? » pour illustrer une photo du cadavre de Laura Palmer.
« Avouez que c’est beau quand même » pour illustrer une photo de femme battue.
« La femme c’est satan… Manger de la main gauche est satanique… Par conséquent une femme qui mange de la main gauche est une bête immonde à gazer au plus vite. »
« Je ne peux que lui souhaiter de crever lentement et douloureusement » à propos d’une femme qui a choisi l’avortement.
L’incitation à la haine va pourtant à l’encontre de la loi et des conditions d’utilisation du site. Mais en y regardant de plus près, les groupes haineux pullulent sur facebook, antimusulmans, antihomos, antisémites, le marché de la haine raciale/sexuelle se porte bien. Je parviens à contacter quelqu’un qui répond au nom de Facebook France et lui signale cette situation. « Je vais me renseigner auprès des équipes techniques sur ce cas précis. Ces équipes sont généralement à Dublin, soit en interne, soit ce sont des sous-traitants. L’enjeu pour Facebook c’est de préserver la liberté d’expression en protégeant les utilisateurs de propos haineux. »
Pourtant quand il s’agit de censurer une photo taxée de nudité, que ce soit l’Origine du monde de Courbet ou une exposition du Centre Pompidou, la faucheuse est plus rapide. « Avec 300 millions de photos postées par jour, vous comprenez bien que c’est fait par un robot. C’est facile d’identifier une partie de l’anatomie humaine dans une photo et d’agir rapidement, les enfants doivent être protégés. » Les propos violents et haineux ne sont-ils pas aussi faciles à censurer automatiquement? « La technologie du web sémantique n’est pas encore assez avancée« . Reste à savoir : à technologie équivalente, est-ce que l’incitation à la haine sera censurée au même niveau qu’un sein ou un pénis?
Le service de presse de Facebook France donne la réponse après consultation des fameuses « équipes techniques » : « Je peux vous confirmer que cette page est surveillée de près et que les signalements ont été traités. Mais les modérateurs ont considéré que les propos étaient conformes aux conditions d’utilisation du site, même si certaines contributions ont été supprimées. Les administrateurs ont été avertis de nombreuses fois et sont sous surveillance. »
Doit-on comprendre que les propos qui sont encore en ligne (cf le florilège ci-dessus) ont été considérés comme acceptables? « Nous voulons que Facebook reste une lieu de partage où les utilisateurs discutent librement entre eux et expriment leurs points de vue, tout en respectant les droits et les sentiments des autres. Je suis d’accord que cette page est de très mauvais goût, mais d’après les modérateurs elle correspond aux règles de Facebook. »
C’est là où il faut comprendre que la censure de Facebook, Apple ou autres mastodontes globalisés de l’économie numérique est d’inspiration américaine. « Facebook fait énormément d’efforts pour la sécurité de ses utilisateurs, et c’est très difficile parce que Facebook est présent dans de nombreux pays. Mais les législations locales sont respectées. » La loi française sur l’incitation à la haine est pourtant claire : est puni par la loi le fait de provoquer « à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation ou identité sexuelle ou de leur handicap ».
Dans les faits, la censure à l’oeuvre est ciblée : la nudité est un mal absolu qui doit être combattu sans exception, même si certaines photos parviennent à passer entre les mailles du filet « parce que ce sont des oeuvres d’art ». Par contre, la liberté d’expression et d’incitation à la haine est à présent mondialement préservée par le premier amendement de la constitution américaine. La violence aurait-elle plus d’avenir sur le réseau que les tétons? Les prochains débats sur le mariage pour tous promettent en tout cas la naissance de nouveaux groupes haineux, qui pourront certainement appeler à la violence contre les homos en tout respect ces conditions d’utilisations de Facebook. Enfin heureusement qu’on n’y verra pas de nus, car il faut « protéger les enfants ».
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