Les escrocs du Net ne désarment pas. Les mêmes arnaques (appelées scams quand elles concernent la Toile), parfois actualisées, circulent depuis une dizaine d'années. «Malgré toutes les informations communiquées sur le sujet, les gens espèrent toujours quelque chose dans la vie», analyse Joël Guillon, créateur du forum
Lesarnaques.com, lancé en 2001. Et ils tombent dans le panneau. La
CAF a encore récemment alerté ses allocataires d'une tentative d'escroquerie. Un courriel les informait qu'ils bénéficiaient d'une prime vacances de 152,45 € et qu'il fallait retourner une pièce d'identité et un justificatif de domicile pour la recevoir.
Quatre types de scams
Ces escroqueries par courriel frauduleux sont habituellement classées en quatre catégories.
> Le phishing, où la victime reçoit un courriel émanant de sa banque, d'un organisme officiel ou d'un marchand en ligne lui demandant des informations personnelles (coordonnées bancaires, identifiants et mots de passe...). Le plus souvent, la personne est renvoyée vers un faux site, hébergé par des serveurs appartenant aux escrocs.
> L'arnaque aux dons, une variante du pishing, consiste à utiliser une catastrophe naturelle, humanitaire... pour demander un soutien financier en faveur d'une fondation qui s'avère fausse ou dont l'identité a été usurpée. Cela a récemment été le cas avec
le tsunami puis la catastrophe nucléaire au Japon.
> Dans l'escroquerie dite à la nigériane, la proie reçoit un courriel d'une personne qu'elle ne connait pas, souvent africaine, lui demandant de l'aider. L'objectif est de l'amener à verser une participation financière pour régler des soi-disant frais de dossiers, payer des intermédiaires...
> Enfin, l'escroquerie à la loterie consiste à envoyer un courriel indiquant que le destinataire a gagné à un tirage au sort, auquel il n'a d'ailleurs jamais participé. Mais pour toucher la somme, il y a des frais d'huissier, de notaire...
Des victimes encore trop nombreuses...
L'association Lesarnaques.com, dont Joël Guillon est également le président, reçoit chaque mois encore au moins une plainte d'une personne dupée sur le Net. «Les escrocs inventent toujours de nouvelles histoires et jouent de plus en plus souvent avec les sentiments des personnes. S'ils tombent sur quelqu'un qui a besoin d'affection ou d'amitié, ça peut fonctionner, précise-t-il à propos des escroqueries dites à la nigériane. Avant, les sommes extorquées étaient plus faibles. On pouvait parler de 4 000 €. Maintenant, les victimes sont moins nombreuses mais les dépenses peuvent atteindre 20 à 30 000 €.»
En 2010, la plate-forme téléphonique Info escroqueries (0811 02 02 17) du ministère de l'intérieur et de l'outre-mer a recensé 24 000 appels. Par ailleurs, 57% des 80 000 signalements faits sur
le site prévu par le gouvernement concernaient des escroqueries sur Internet, indique le commissaire Adeline Champagnat, adjointe de l'OCLCTIC (Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication) basé à Nanterre.
Ces services de signalement ont été mis en place dans le cadre du plan de lutte contre la
cybercriminalité présenté le 14 février 2008 par le ministre de l'Intérieur, Michèle Alliot-Marie. Il n'existe donc pas de chiffres comparatifs avec l'année 2009. Ces faits étaient auparavant quantifiées par le nombre de plaintes déposées, qui «ont diminuées de 8,5% en 2010, par rapport à 2009», se réjouit le commissaire.
... et des réseaux difficiles à démanteler
La lutte contre ces cybercriminels est d'autant plus compliquée qu'il leur est facile de recourir à ces escroqueries de masse. Les pirates informatiques contrôlent à distance, à l'insu de leurs utilisateurs, un réseau d'ordinateurs «zombies», appelé botnet. L'accès à ces réseaux se loue ou s'achète, il n'y a donc pas besoin d'être un technicien pour s'en servir. «Tout ordinateur connecté à Internet qui n'est pas protégé par un antivirus, un pare-feu et un système d'exploitation à jour en fait partie», insiste le commissaire Adeline Champagnat. Ces machines sont utilisées pour envoyer des spams à des adresses de courriel valides, que des robots vont chercher sur le Net.
«On ne peut pas intervenir sur ces botnets, car il y a des milliers d'ordinateurs impliqués, précise-t-elle. En revanche, sur le phishing, c'est plus facile. On remonte jusqu'à la personne qui a mis en ligne le faux site.» Mais bien souvent, les escrocs opèrent depuis des cybercafés localisés au Bénin, en Côte d'Ivoire ou au Nigéria, d'où sont d'ailleurs originaires l'essentiel des escroqueries par courriel frauduleux. «Dans ces cas-là, nous collaborons avec les services de police sur place.» En 2010, 21 personnes ont ainsi été écrouées.