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Le bilan de l’incrimination du racolage passif est aujourd’hui plutôt mitigé au regard des deux objectifs initialement poursuivis, « mettre un terme au trouble causé à l’ordre public par la prostitution visible et priver le proxénétisme de sa source de profit pour faire ainsi échec à la traite des êtres humains ».
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Concernant la répression des troubles à l’ordre public, des effets positifs ont été enregistrés pendant les deux premières années d’application du nouveau dispositif pénal. (…) les résultats ont été, les premières années, spectaculaires : une très forte diminution de la prostitution de voie publique a pu être constatée. Cela était lié à la définition d’une politique pénale claire et progressive : les personnes interpellées pour racolage recevaient d’abord un rappel à la loi, avant d’être convoquées devant un juge, puis déférées et condamnées en cas de nouvelle récidive. Mais, comme il a été indiqué par des policiers à la mission, cette politique s’est ensuite grippée. Le taux de déferrement, satisfaisant au début, a continuellement baissé, pour devenir finalement quasi-nul. Mais le découragement policier tient aussi au fait que cette infraction, aux contours flous, est difficile à établir, comme l’a indiqué un procureur de la République. Ainsi, la tenue vestimentaire ne suffit pas à caractériser le délit. De fait, la majeure partie des procédures en matière de racolage est aujourd’hui déclenchée par des plaintes émanant des riverains, (…)
un exemple, la définition du délit est à géométrie variable selon les juges, ainsi le port d'une nuisette rose assise à l'arrière (visible) de sa camionnette est du racolage passif, mais stationner au volant d'une voiture dans une rue habituellement fréquentée par des prostituées l'est également suivant les tribunaux.
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Les effets indésirables de l’incrimination du racolage passif. Certains ont pu voir, dans l’incrimination du racolage passif, un dévoiement inopportun des principes de notre droit pénal. En effet, le raisonnement est quelque peu tortueux qui conclut que la pénalisation des personnes prostituées a en réalité pour but de les protéger. Toutefois, plusieurs autres critiques sont adressées, sur un plan pratique cette fois, à l’incrimination du racolage passif.
Mais non puisque c'est pour leur bien.
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La prostitution, loin d’avoir disparu, se serait seulement déplacée géographiquement (…). Ainsi, selon la Commission nationale consultative des droits de l’homme, cette infraction a entraîné un déplacement des personnes prostituées, sans pour autant engendrer de baisse substantielle de la prostitution. L’incrimination du racolage a conduit les personnes prostituées à déserter les centres villes et les lieux traditionnels de prostitution et à se disperser en zones périurbaines. Par exemple, certaines personnes prostituées exerçant auparavant à Paris même se trouvent désormais aux alentours de Dreux, en Seine-et-Marne ou dans la forêt de Saint-Germain-en-Laye.
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Les personnes prostituées, isolées en périphérie des zones urbaines, sont exposées à des risques plus élevés de violences et d’agressions. Les personnes prostituées sont contraintes de pratiquer leur activité dans des zones isolées, ce qui les met à la merci de clients violents. De façon générale, les situations de violence et d’exploitation ont été exacerbées par l’incrimination du racolage passif. (…) on constate également une augmentation du nombre d’agressions dont les personnes prostituées sont victimes, notamment aux abords des routes de Seine-et-Marne, où certaines racolent depuis l’entrée en vigueur du nouveau délit.
Les personnes prostituées prennent plus de risques(…). La peur d’être arrêtées par la police les conduit à réduire considérablement le temps de négociation avec le client. En effet, certaines d’entre elles montent directement en voiture avec le client et ne discutent plus à l’extérieur du véhicule du tarif et de la prestation, comme auparavant, car elles ne veulent pas être prises en flagrant délit de racolage. De fait, elles peuvent ainsi être confrontées plus souvent à des clients malveillants, dont le tri n’est plus assuré par une discussion préalable. (…) l’inconvénient majeur de cette loi réside dans le sentiment d’impunité généré chez les clients, qui se sentent dès lors autorisés, pour certains, à maltraiter les femmes, à les séquestrer, à enlever le préservatif au dernier moment… Plus généralement, l’incrimination du racolage passif place les personnes prostituées dans une position précaire face aux clients et aux logeurs, qui tirent profit de leur statut légal de délinquantes. Certaines personnes auditionnées ont même jugé que l’incrimination du racolage passif aurait contribué à l’augmentation du proxénétisme. (…) plus les personnes prostituées sont fragilisées, plus elles représentent des proies faciles pour les proxénètes. (…) les personnes prostituées, pour faire face à ces risques nouveaux, auraient préféré se placer sous la coupe de proxénètes et de réseaux, en vue d’assurer leur protection. (…) Isolées, les personnes prostituées ont dû recourir à des proxénètes afin de guetter l’arrivée des forces de police.
Un comble, non? Ce n'est pas moi qui le dit, c'est dans le rapport.
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Les relations avec la police sont souvent devenues plus difficiles, l’incrimination de racolage passif donnant parfois l’impression d’un arbitraire policier. D’après la CNCDH, les forces de l’ordre peuvent désormais interpeller et placer en garde à vue toute personne se trouvant dans l’espace public, ce qui est porteur d’arbitraire. Ainsi, Mme Françoise Gil , sociologue, a indiqué à la mission d’information avoir été elle-même arrêtée alors qu’elle discutait, sur la voie publique, avec des personnes prostituées.
Ce n'est pas arbitraire puisque la loi les y autorise, mais cette loi a une odeur de loi d'exception, et ce type de loi pue.
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C’est également ce qui ressort du rapport de 2006 de la commission nationale Citoyens-Justice-Police, qui associe représentants de magistrats, syndicats d’avocats et associations de défense des droits de l’homme. Il note en particulier qu’une « justice policière s’est mise en place : les preuves sont appréciées par la seule police, la garde à vue joue le rôle d’une courte peine d’emprisonnement, la confiscation de l’argent tient lieu d’amende, le rappel à la loi de jugement, les conditions dont il est assorti de mise à l’épreuve, le STIC de casier judicaire ». De fait, de nombreux acteurs associatifs signalent une relation détériorée avec les forces de l’ordre. Plus méfiantes, les personnes prostituées n’oseraient plus porter plainte en cas d’agression.
d'où le recours à des macs pour assurer leur protection, ça s'appelle la privatisation.
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Une difficulté croissante d’accès aux soins L’action des associations est rendue difficile en raison de la désertion des lieux traditionnels de prostitution. Plus éloignées, plus mobiles, les personnes prostituées sont plus difficiles à atteindre pour les associations. (…) fait état des tournées de bus rendues compliquées par l’incrimination du racolage passif et du déplacement des personnes prostituées en périphérie des zones urbaines. Les actions de prévention comme l’accès aux soins sont donc rendues plus complexes. (…) l’incrimination de racolage passif constitue un obstacle aux campagnes de prévention contre le sida. (…) le délit de racolage, qui permet aux services de police de confisquer les camionnettes utilisées par les personnes prostituées, contraint celles-ci à exercer dans des conditions d’hygiène nettement moins favorables. (…) les préservatifs utilisés par les personnes prostituées peuvent constituer des éléments de preuve du racolage pour les services de police, ce qui est susceptible d’avoir un impact sur le niveau de protection des personnes prostituées.
Fallait y penser. Maintenant gare, se balader avec des préso dans la poche est un début de preuve de racolage passif.
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Il semble également, au vu de la baisse de la demande que l’isolement géographique a induite, que les personnes prostituées soient plus enclines à consentir à des rapports sexuels non protégés, souvent mieux rémunérés. L’incrimination du racolage donnerait en effet plus de pouvoirs aux clients dans le cadre de la négociation des tarifs et de la prestation elle-même, (…) les rapports non protégés seraient plus fréquents du fait du caractère moins accessible de l’offre prostitutionnelle.
Les grands humanistes qui président au rétablissement de l'ordre moral, au nom des grands principes, ne sont pas tous d'accord. Deux analyses présentes dans la conclusion :
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Je souhaite enfin souligner que l’instauration d’une sanction pénale pour les clients nécessitera de pérenniser le délit de racolage passif, complémentaire à bien des égards, même s’il faudra sans doute l’articuler avec le droit communautaire en gestation. L’instauration de ce délit en 2003 s’est accompagnée d’effets positifs, puisque les troubles à l’ordre public ont notablement diminué dans les deux années qui ont suivi. Il est vrai, cependant, que le taux de déferrement au parquet des personnes interpellées a diminué et que la prostitution sur la voie publique réapparaît, notamment à Paris, du fait de la propension de l’autorité judiciaire à se contenter de rappels à la loi, bien peu dissuasifs.
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Je conclurai mon intervention par un regret. Même si j’ai entendu les arguments avancés par le rapporteur, j’aurais souhaité la suppression du délit de racolage passif, qui me semble constituer une mesure injuste à l’encontre des personnes prostituées. En Suède d’ailleurs, cette suppression est intervenue concomitamment à la pénalisation des clients et il me serait apparu opportun que nous n’attendions pas les évolutions communautaires à venir pour nous pencher sur ce point.
À ce stade, je m’interroge sur l’efficacité que pourra avoir la pénalisation du client. Le risque, si la France choisit cette voie, est que se développe un tourisme prostitutionnel vers la Belgique, les Pays-Bas, l’Allemagne ou l’Espagne.
Une autre solution aurait pu consister à légaliser la prostitution, afin de la contrôler, comme c’est le cas aux Pays-Bas, tout en étant conscient que cela n’élimine pas nécessairement les réseaux.
Je partage donc l’orientation principale du rapport : celle consistant à dire que l’on ne peut pas rester inactif face au constat d’impuissance à lutter contre les réseaux. Mais je pense que le pénalisation du client aura beaucoup d’inconvénients, notamment celui d’accroître les risques pour la sécurité des personnes prostituées, qui seront contraintes de se cacher davantage. Un suivi de l’application de la réforme sera nécessaire et, si mes craintes sont fondées, il faudra alors envisager de rechercher d’autres solutions.
Le dernier intervenant me semble honnête et lucide, pas comme celui qui précède.