Le corps du mannequin s'expose à Paris : du buste en osier à Kate Moss
De la femme portemanteau à la top model qui vend du rêve, de la fin du XIXème siècle à aujourd'hui: les mannequins, au cœur de la mode, entre couturiers et photographes, sont au centre d'une exposition à la Cité de la Mode à Paris.
Qui se souvient encore que le mot "mannequin" désignait un buste en osier au XIXe siècle? À travers des vidéos, des photos et des coupures de presse, l'exposition propose de découvrir comment cet objet indispensable à tout couturier s'est transformé en un corps de femme anonyme pour incarner une star parmi les stars aujourd'hui.
Les plus anciens témoignages présentés dans cette exposition remontent à 1875. On voit sur des clichés des couturières et des vendeuses portant les vêtements des maisons pour lesquelles elles travaillent. Pas de séduction dans ces clichés: les mannequins professionnels apparaissent plus tard, au début du XXe siècle. Le mannequin est un simple portemanteau.
Elles sont alors mal perçues. "Les clients peuvent toucher le corps du mannequin, c'est un corps à disposition, à vendre, parfois assimilé à la prostitution", explique la commissaire de l'exposition, Sylvie Lécallier. A l'opposé, à la fin du siècle, les Claudia et autres Naomi, stars absolues, ont droit à des poupées à leur effigie. Preuve ultime de la mauvaise réputation de cette activité, les visages sont effacés pour protéger l'anonymat des jeunes femmes.
En 1924, tout change, les normes de la beauté féminine sont posées, Jean Patou, un couturier fait venir à Paris des mannequins américaines grandes, minces, sans hanches et aux chevilles fines. Le culte de la jeunesse, lui, arrive plus tard, dans les années 60, avec des mannequins de plus en plus jeunes. Des étapes que l'on perçoit à travers des grands noms de la photographie comme Henry Clarke, Helmut Newton ou Guy Bourdin.
Certaines sont connues, comme la photo du top Kristen McMenamy prise en 1996 par Juergen Teller (voir le diaporama à la fin de l'article). Elle pose, l'air désabusé, poitrine nue, avec, entre les seins, un coeur dans lequel est écrit "Versace". Elle est écorchée à la taille: "elle s'était blessée pendant les défilés avec un zip", raconte la commissaire de l'exposition. "Ça a fait scandale dans le milieu de la mode, car c'est une représentation négative du mannequin qui semble meurtri par la mode", explique-t-elle.
Pour vous donner un avant-goût de l'exposition, voici quelques œuvres exposées. Ce diaporama contient des scènes de nudité. (L'article continue sous le diaporama)
Il y a aussi Kate Moss, photographiée très jeune sur une plage par Corinne Day. Cette image révèle l'adolescente qui, 23 ans après, reste une icône. "Elle ne correspond pas aux canons" des années 90, aux mannequins sophistiquées à l'attitude "triomphante". Le cliché est "un tournant dans la photographie de mode", pour la commissaire.
Helmut Newton, lui, joue avec le mannequin Violetta Sanchez en 1981. Elle pose couchée, exactement dans la même position que son double fabriqué en plastique. Laquelle est vivante, laquelle est factice? À la fin des années 80, le portemanteau semble relégué au passé, Linda, Naomi et Cindy arrivent et avec elles des défilés pensés comme de véritables spectacles. Les mannequins sont au centre des collections. Elles impriment leur marque sur les vêtements qu'elles portent.
Mais la mode est un éternel recommencement. Le mannequin portemanteau n'est jamais très loin. Il réapparaît dans les boutiques en ligne sur internet. Par un souci d'économie et de plaire au plus grand nombre, les visages sont coupés comme au début du XXe siècle.
Le Musée Galliera rouvrira ses portes en septembre, reconfiguré pour être à l'identique de ce qu'il était au XIXe siècle. La première exposition sera une rétrospective Azzedine Alaïa.
- INFOS PRATIQUES :
Date de l'exposition : du 16 février au 19 mai
Adresse : Cité de la Mode et du Design, Les Docks, 34 quai d'Austerlitz, 75013 Paris.
Tarifs : Plein tarif - 6 € Tarif réduit - 4,5 € Tarif jeune (14-26 ans) - 3 € Gratuit - moins de 14 ans
Temps de visite : 1 heure
Oeuvres à ne pas louper : toutes les archives sonores, en particulier la vidéo du défilé de Thierry Mugler et celle mettant en scène Balenciaga au milieu de ses mannequins.