Le «Traité du boudin» fait l'éloge des moches. Et défend une sexualité orgiaque qui ne doit pas tenir compte d'une prétendue beauté.
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Extrait de l'Internationale Sagouiniste - DR
Gravures de mode, ce livre n'est pas pour vous. «Interdit aux gens beaux», clame en effet le petit ouvrage. Les éditions de la Musardine viennent de sortir le Traité du boudin à l'usage des prolétaires du sexe, un hommage aux femmes et aux hommes moches. L'auteur est un inconnu, Stéphane Tzara, et ce pamphlet avait été publié pour la première fois en 1997, à seulement 350 exemplaires.
Fondateur avec un camarade de la potache Internationale Sagouiniste au début des années 90, Stéphane Tzara défend avec vigueur l'attrait des femmes laides. Il est «contre la dictature de la beauté ou d'une certaine idée de la beauté orchestrée à grands renforts d'argent par les mass-média à la botte du grand Capital». Volontiers vulgaire, voire obscène, l'Internationale Sagouiniste appelle à «baiser» dans tous les coins.
«Très jeune, je me suis rendu compte que j'étais affublé de ce que l'on appelle une sale gueule», raconte l'auteur. Se jugeant «en dessous de la moyenne», il regrette, notamment, chez lui «une pilosité surabondante et une tendance prononcée à la sudation». Longtemps, il souffre de cette mocheté et ne s'y résout pas, tentant d'embrasser des filles qu'il juge, honnêtement, trop bien pour lui.
Jusqu'au jour où il se retrouve emporté dans une partouze involontaire (un peu trop d'alcool) à trois couples. D'un côté, le couple des beaux qui, devant tant de stupre, s'échappe bien vite et revient à la morale bourgeoise. De l'autre, quatre personnes se définissant comme des boudins et qui découvrent tous le même soir un monde de plaisirs infinis. «Il nous semblait évident qu'un acte fondateur, à haute teneur symbolique, avait eu la veille», juge Stéphane Tzara le lendemain. S'ensuit une débauche effrénée avec des femmes aussi «boudins» que possible. Il comprend qu'il a été trop longtemps obsédé par les questions de représentation et que ce qu'il aime, finalement, c'est juste le sexe. Sa découverte: des milliers de femmes sont prêtes à s'offrir à toutes les perversions et elles sont tristes car personne ne leur propose l'enchante.
Stéphane Tzara n'est pas le premier à s'attaquer à ce sujet. L'écrivain Francis de Miomandre avait déjà publié un Eloge de la laideur en 1925. Tous interprètent à leur manière cette discussion dans le Banquet de Platon entre Socrate et le poète Agathon, ce dernier considérant qu'il ne peut y avoir d'amour dans la laideur.
Selon le Traité du boudin, notre principal problème est notre rapport au beau, une valeur relative. «La beauté est désintéressée chez Kant, inutile chez Baudelaire, c'est justement cette neutralité qui l'a mise au service des pouvoirs aristocratiques, bourgeois et capitalistes. La différence physique comme ségrégation du plaisir est l'autoroute gratuite vers le racisme, l'ostracisme, l'eugénisme et le génocide. Ainsi le boudin vit sa sexualité et ses désirs de manière malheureuse, victime de l'infâme idéologie du beau», écrit Stéphane Tzara.
«Le droit de jouir doit être démocratique et égalitaire. Qu'Appolon crève, que jouisse le boudin», proclame Stéphane Tzara, qui a conscience que son ouvrage peut choquer les femmes. L'auteur ne rechigne pas en effet sur les descriptions pornographiques. Et même s'il se juge lui-même laid, il se présente presque toujours de manière plus favorable que les femmes, notamment parce qu'il prend l'initiative et acquiert une réputation sulfureuse. Mais Tzara encourage ces dernières «à prendre la plume et à écrire un Traité du boudin mâle à l'usage des prolétaires femelles». Car «il n'est pas en effet de sagouins sans sagouines».