Décès de la chanteuse Cora Vaucaire, grande interprète de Prévert ou Aragon
La chanteuse Cora Vaucaire, décédée samedi à l'âge de 93 ans, avait été une subtile interprète de la chanson à textes "rive gauche" à partir des années 50, au service de poètes comme Prévert, Aragon, Trénet, Barbara ou Ferré.
Surnommée "la Dame blanche de Saint-Germain-des-Prés" (Juliette Gréco étant "la dame en noir"), créatrice avant Montand de la chanson de Prévert et Kosma "Les Feuilles mortes" (enregistrée en 1948), elle défendait ce qu'elle appelait, "l'esprit français des textes qui expriment souvent la joie de vivre et toujours des sentiments forts".
Trois fois couronnée par l'Académie Charles Cros, elle immortalisa notamment "La Complainte de la Butte" qu'elle interprète dans le film de Renoir "French cancan" en 1955 et "Trois petites notes de musique" dans celui de Colpi, "Une aussi longue absence" en 1960.
Silhouette menue, le sourire éclatant, la voix claire et la diction parfaite, Cora Vaucaire - qui a débuté au théâtre - chantait en comédienne, ciselait chaque chanson en une petite pièce de trois ou quatre minutes, l'interprétant avec charme, émotion et sincérité.
Son répertoire sans concessions, se composait de chansons oubliées du Moyen-Age ("La complainte du Roy Renaud"), de succès de la Belle Epoque (ceux d'Yvette Guilbert), de textes de poètes (Appollinaire, Carco, Aragon), ou d'autres interprètes comme Maurice Fanon ou Jacques Debronckart, qu'elle appréciait particulièrement.
Cora Vaucaire, dont la carrière s'est déroulée principalement sur scène et qui enregistra peu, se présentait traditionnellement au public vêtue d'une longue robe blanche pour masquer les tremblements dus au trac qu'elle avouait n'avoir "jamais pu maîtriser". C'était aussi par refus du noir, couleur dominante après la guerre, et associée à la pauvreté: "je voulais apporter du bonheur, j'ai joué le blanc".
Encouragée par Piaf
Elle a longtemps chanté dans les petits cabarets de la rive gauche, où débutaient la plupart des artistes d'alors.
Allergique au show bizz, discrète voire secrète, Cora Vaucaire préfèra, une fois connue, offrir à ses fidèles des récitals intimistes - souvent conçus "à la carte" selon son humeur et celle des spectateurs - dans les petits théâtres à l'italienne: l'Oeuvre (1967), Montparnasse (1975), Dejazet (1992), Bouffes du Nord (1999). Elle aura toujours évité les grands music-halls, ne se produisant qu'une fois durant un mois à Bobino (1973) et un soir l'Olympia (1991).
Célèbre au Japon et première chanteuse à se produire en Albanie, elle a fait applaudir la chanson française dans le monde entier.
Née le 22 juillet 1918 à Marseille, fille d'un capitaine au long cours, Cora Vaucaire, de son vrai nom Geneviève Collin, s'inscrit au conservatoire de théâtre contre la volonté familiale. On lui coupe les vivres, mais elle fait ses classes sous l'oeil de Fernand Ledoux et Charles Dullin, et remporte à seize ans, le premier prix de comédie et de tragédie de la ville de Paris.
Préférant finalement la chanson, elle gagne divers concours, dont l'un présidé par Piaf qui l'encourage.
A la Libération, après avoir commencé à chanter à la radio, elle fait ses débuts à l'Echelle de Jacob au même programme que Brel et Fernand Raynaud.
Cora Vaucaire était veuve du parolier Michel Vaucaire (décédé en 1980), auteur avec Charles Dumont de la célèbre chanson interprétée par Piaf, "Non je ne regrette rien".