Le mensuel établit un bilan inquiet. Le sexe déserte les arts plastiques par peur de conséquences judiciaires. Notre société est devenue paranoïaque.
Surprise! Pour le mois d’août, «Beaux-arts» sort un numéro ordinaire, alors que l’été marque normalement une pause pour les revues d’art. Il est vrai que son grand sujet, qui couvre tout de même 113 pages, peut sembler vendeur. Il s’intitule «Les artistes et le sexe». Le propos semble général. Il ne faut cependant pas oublier que la publication, dirigée par Fabrice Brousteau, reste axée sur la création contemporaine (XXe-XXIe siècles). Autant dire que les siècles antérieurs se voient parcourus au pas de charge.
A priori, le sexe peut aujourd’hui sembler omniprésent dans l’art, comme il l’est dans les replis du Net. Eh bien non! En dépit des femmes ligotées d’Araki ou des photos homo-érotiques de l’Indien Sunil Gupta, nous sommes en pleine régression. Un film comme «La petite» de Louis Malle, où Brooke Shields incarnait une heureuse prostituée de douze ans, est devenu impensable. La parenthèse libertaire des années 1970 a depuis longtemps été refermée.
Jeff Koons ne montre plus ses ébats conjugaux avec la Cicciolina. Il donne aujourd’hui une imagerie sage et régressive.
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Dans son essai titré «Où est passé le sexe?» Stéphanie Moison explique bien le pourquoi. «La censure, la pénalisation des représentations dites pornographiques ou pédophiles, la judiciarisation de la création (tous domaines confondus) ont entraîné une nouvelle exigence de normalité, un puritanisme revendicatif, partout en Europe. Cette transformation (…) a fait du spectateur une victime présumée et de l’artiste le maître d’œuvre d’un crime inavouable.» Seuls les architectes peuvent se permettre de proposer des œuvres toujours plus phalliques.
Ajoute à cela que certains créateurs auront été nourris, via la Toile, au porno comme d’autres le sont au lait maternel. Une indifférence s’est créée chez eux. La revendication créatrice parcourt de nos jours des chemins plutôt politiques. Pour ce qui est du religieux, prudence aussi. Si la chrétienté a des laxismes, l’islam n’en connaît guère…
Le numéro se voit bien sûr largement illustré. Le spectateur y verra aussi bien des dessins de l’Américain Robert Crumb (honoré en ce moment par le Musée d’art moderne de la Ville de Paris) que des photos d’Orlan. Notons que la revue n’est pas vendue sous emballage plastique. Cela aurait peut-être trop évoqué le préservatif…
«Beaux-Arts Magazine» Août 2012, No 338.