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Le sexe est triste, hélas ! Par Thierry Gandillot | 09/01 |
Hasards du calendrier : deux films, cette semaine, traitent des lois de l'offre et de la demande d'amour et de la marchandisation sexuelle, chacun à sa façon ; l'un cru et frontal (« Paradis : amour » de l'Autrichien Ulrich Seidl) ; l'autre chic et glaçant (« Une histoire d'amour » de la comédienne Hélène Fillières, qui fait ici ses débuts derrière la caméra).
Au Kenya, on les appelle les « sugar mamas ». Sous le soleil d'Afrique, elles pratiquent le tourisme sexuel, avec plus ou moins de culpabilité ou de désir. Teresa, une quinquagénaire viennoise aux rondeurs aussi épanouies que blanches, tente l'aventure. Au début, elle hésite, s'engage, se dérobe pour finir par surmonter ses scrupules et succomber aux étreintes des « beach boys » kényans. Ils sont beaux, gentils, prévenants, faussement naïfs. « Hakuna mata » - « Pas de problème » en kiswahili - est leur leitmotiv. Si, justement, il y a un problème. On saisit bien le propos du réalisateur : montrer le « désespoir de la femme blanche » ; dénoncer l'exploitation sexuelle des prolétaires africains par la petite bourgeoisie occidentale en mal d'érotisme exotique ; pointer sa vulgarité langagière et son racisme primaire. Mais la crudité des situations produit surtout un malaise qui confine à l'écoeurement.
Hélène Fillières opte pour la démarche inverse : ne rien montrer ou presque de la relation sado-maso qu'entretiennent le « Banquier » et la « Jeune Femme », ainsi qu'ils sont nommés dans le générique. (Le film est adapté du roman « Sévère » de Régis Jauffret, lequel s'inspire de l'histoire d'un riche héritier d'une banque privée, retrouvé mort par balle dans une combinaison en latex). Lui, c'est Benoît Poelvoorde ; il a fourni le revolver. Elle, c'est Laetitia Casta ; elle a fourni la combinaison. Ce qui les lie, si l'on ose, le film ne l'explicite pas. La caméra élégante d'Hélène Fillières, la sobriété clinique des décors, la brutalité des dialogues nous tiennent à distance. Mais comme le récite Richard Bohringer (le « mari ») sur une musique envoûtante d'Etienne Daho : « Les histoires d'amour sont des planètes privées/Elles se volatilisent quand leurs habitants les ont quittées/Elles obéissent à des lois inconnues du reste de l'univers/Inconnues même de celles qui les habitaient/On nous jugera au nom de lois qui n'étaient pas les nôtres au moment des faits. » Les lois du code « Sévère ».
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