Baiser, étreinte, masturbation... dans ses sculptures ou ses dessins, Rodin multiplie les poses érotiques. A travers son très bel ouvrage Rodin & Eros, Pascal Bonafoux, professeur d'histoire de l'art, nous fait découvrir toute la sensualité qui se dégage de deux cents œuvres de cet artiste né en 1840 et mort en 1917. Cette présentation est l'occasion de rappeler le contexte social dans lequel elles ont été créées.

En réaction au XVIIIe siècle, considéré comme une époque de libertinage et de débauche, le XIXe se veut prude. Il ne s'agit pas de se départir d'une bonne moralité. D'aucuns prônent la mise en place d'une feuille de vigne sur les entre-jambes des représentations de dieux ou d'athlètes. En 1857, Flaubert doit répondre d'outrage à la morale publique et religieuse et aux bonnes mœurs pour son roman Madame Bovary. Rodin essuie, lui aussi, de nombreuses critiques pour ses œuvres jugées libidineuses, obscènes

En parallèle à ces condamnations, Pascal Bonafoux rappelle ce commentaire de Gide : « Il y a des productions éhontées qui n'ont rien à voir avec l'art. Entre ces productions incriminées et La Chemise enlevée de Fragonard, par exemple, ce n'est pas le sujet qui diffère, ni la “noblesse”, ni “l'idéal”, mais le talent. Où celui-ci fait un chef-d'œuvre, tel autre n'eût peint qu'une obscénité ».

Chez Rodin, le nu est indissociable de ses œuvres. Dans son atelier, des modèles, hommes et femmes, nues sont constamment présents. Un environnement qui lui assure une parfaite connaissance du corps et de la chair. Rodin l'affirme : « Le corps exprime toujours l'esprit dont il est l'enveloppe. Et pour qui sait voir, la nudité offre la signification la plus riche. »



A lire : Rodin & Eros, de Pascal Bonafoux, éditions de La Martinière, 272 pages, 29 euros.
A voir : exposition Rodin, la chair, le marbre au musée Rodin, à Paris, jusqu'au 1er septembre.