Wang Keping ou l’éloge du bois Par DOMINIQUE POIRET
L'artiste chinois expose ses sculptures en bois jusqu'au 17 mars à la galerie Zürcher à Paris.
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«Femme debout», 2009-2010. - Photo Jason Mandella Courtesy. Galerie Zürcher, Paris / New York
Tout d’abord garde rouge (en 1966), la révolution culturelle du Grand Timonier l’envoie ensuite en Mongolie, pour être rééduqué. Revenu d’exil au début des années 70, Wang Keping (né en 1949), s’essaie au théâtre, mais sans succès, peut-être trop subversif pour le régime. L’ex-gardien de la révolution, qui n’a pas encore 30 ans, se lance alors dans la sculpture, sans l’avoir jamais étudiée.
Autodidacte donc, il réalise ses premières œuvres taillées dans le bois en 1978. L’année suivante, il participe à la création du mouvement artistique contestataire «Xingxing», «Les Etoiles», parce que, se souvient-t-il, «nous étions alors les seules lueurs qui brillaient dans une nuit sans fin». La «lueur» ne dure que quelques printemps.
Son travail pas assez conformiste ou en opposition avec les canons du réalisme socialiste, comme Silence (1978), sculpture qui dénonce la liberté d’expression ou encore Idole (1979), un buste pas très élogieux de Mao, le contraint à s’exiler. Ses sculptures furent exposées au centre Georges-Pompidou en 1989.
Direction la France, sur les traces de Rodin, Maillol, Brancusi ou Zadkine. Détaché de toute influence, Keping décide «de continuer son propre chemin», comme il dit. S'il laisse de côté ses sujets politiques, il n’en abandonne pas sa matière vivante, le bois, pour représenter principalement le corps féminin.
La galerie Zürcher (1) qui défend son travail depuis son arrivée en France, présente une dizaine de ses œuvres dont deux très grandes: Jeunesse et Maternité. Elles avaient été réalisées et exposées au Parc Monceau devant le Musée Cernuschi dans le cadre de l’exposition «Artistes chinois à Paris» (entre septembre et décembre 2011).
Avant de commencer à travailler réellement, Wang Keping choisit ses troncs, les tronçonne à la scie sauteuse et les laisse sécher un an ou deux, parfois plus. Vient ensuite le travail proprement dit. Wang Keping, contrairement aux Occidentaux, est à l’écoute et joue avec les formes et les accidents naturels du bois – les nœuds, les nervures… – pour en révéler au final de troublantes silhouettes, «une part de la sculpture est déjà faite par la nature», souligne Sylvain Lecombre, directeur du musée Zadkine dans le catalogue de l’exposition, «La chair des forêts».
Pour amplifier cet aspect, «le bois est superficiellement brûlé [au chalumeau], pour obtenir une teinte qui semble totalement pénétrer la masse du corps représenté». Cette dernière opération accentue le caractère épuré, sensuel de ces corps nus, la patine noire réalisée au feu évoque l’épiderme et ne demande qu’à être caressée.
(1) Galerie Zürcher, 56 Rue Chapon, Paris IIIe. 01 42 72 82 20