Mc Cormack prend latex
24 Novembre 2011 Par Céline Bagault
80 000 préservatifs exposés dans les escalators de Beaubourg. C'est la nouvelle installation de l'artiste Bryan Mc Cormack. Un Irlandais, des capotes anglaises? United condom!
Pas d'affiche, pas de plaquette à l'entrée. Pas de mention sur l'agenda des expositions. L'installation de l'Irlandais Bryan Mc Cormack, caution culture du dîner de gala de la fondation Aides, joue les guichets fermés. L'homme du point information lui-même semble avoir des doutes sur l'emplacement. « Attendez je vérifie si c'est bien à Beaubourg ». Tant de mystère cachant nécessairement quelque chose, quand on se prépare à voir l'exposition de Mc Cormack, on frissonne. On se dit, canailles que nous sommes, que nous voilà en passe d'assister à un événement transgressif. L'ultime irrévérence d'un Paris impie. Tel l'homme du XIXe siècle s'apprêtant à découvrir l'indécente Origine du Monde de Courbet. De l'art et du cochon, rien de moins.
C'est dire le niveau d'attente. Et la déconfiture qui l'accompagne lorsque le spectateur découvre, au premier palier des escalators, un tunnel de préservatifs translucides roses bonbon. Bien rangés, identiques, alignés sur des rails métalliques. Comme autant de torpilles acidulées pointées vers lui. A la base de chacun d'entre eux, la marque déposée: la signature de l'artiste. Et en fond sonore, un assourdissant bruit de tambour, dont on apprend qu'il s'agit d'une pulsation cardiaque. Bon sang mais c'est bien sûr ! Le titre de l'installation: « Les sons de ma vie », des battements de coeur. Tout s'explique. Plus on monte dans les étages, plus le coeur rajeunit. Au premier, c'est celui de Mc Cormack, trente-six ans. Au sixième, celui d'un nouveau-né.
Deuxième palier, la même chose, mais en bleu. Et on pourrait, sans trop gâcher la surprise, dévoiler qu'ils sont jaunes au 3e étage, puis rouges, puis violets, puis bleus foncé. Contrairement à l'exposition, le public, lui, est divers et inattendu. Il y a les « officiels » munis d'un carton d'invitation, qui connaissent l'artiste. Parmi eux, deux catégories: ceux qui s'en fichent, qui sont seulement venus pour les petits fours et qui se sentent en droit de faire de l'humour graveleux. Et ceux qui tâchent de faire bonne figure, de dire quelque chose d'intelligent malgré tout: « De loin ça rend bien », tente une jeune femme. « Tu comprends, on est comme dans le ventre de la mère. C'est pour ça qu'on entend le coeur battre » assure une autre à son collègue qui, manifestement, a des doutes. 80 000 sexes en plastique pour figurer le ventre maternel, on comprend le désarroi du collègue face à tant de masturbation intellectuelle.
Pas perturbés pour un sou, des enfants se promènent dans les escalators. Une petite fille regarde la tour Eiffel se déformer à travers le plastique coloré. « Regarde c'est jaune ! - Oui c'est joli hein ?, répond sa maman ». Une exposition « jolie », des enfants qui courent: Mais qu'est-il passé par la tête de Mc Cormack pour réaliser une performance si convenue, si convenable ? « Je veux que le visiteur se retrouve dans un environnement qu'il ne connaît pas et qui le désoriente » dit-il. Un cartel ajoute que « le préservatif évoque la protection mais il symbolise aussi le sexe masculin, la sexualité, l'érotisme et parle, par extension, de la naissance ». La naissance, vraiment ?
Dans la boutique du musée, les préservatifs rigides estampillés Mc Cormack sont fabriqués en série et se vendent à l'unité. 17 euro la pièce. Si vous voulez reproduire l'installation dans votre salon, il vous en coûtera la modique somme d'1 360 000 euros. A défaut d'autre chose, l'art a un prix. Le sexe aussi mais c'est une autre histoire.
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« Preservation is life / Les sons de ma vie », Centre Georges Pompidou, du 22 novembre jusqu'au 5 décembre 2011, 3 €