Interrogé par le Nouvel Observateur sur cette nouvelle collection, Franck Spengler, Fondateur des Editions Blanche a donné son avis sur la question.
Citation :
Jane Austen et Conan Doyle version porno soft : orgueil et stupidité des éditeurs
LE PLUS. Une scène érotique entre Sherlock Holmes et le docteur Watson, Elizabeth d'"Orgueil et préjugés" léchant le sexe de Darcy… Voilà l'idée de quelques éditeurs britanniques, qui vont insérer des scènes osées dans des classiques de la littérature anglaise. Une bêtise sans nom, estime Franck Spengler, fondateur de la maison d'édition "Les éditions Blanche", spécialisée en littérature érotique.
Ce procédé littéraire d'ajout de passages érotiques à des textes qui n'en contenaient pas est parfaitement légal pour des auteurs tombés dans le domaine public, mais parfaitement intolérable d'un point de vue littéraire.
Une dénaturation complète des œuvres
Si l’auteur n’a pas écrit de telles scènes – quelles qu’en soient les raisons (morales, sociales, religieuses…) – il ne revient à personne d’en insérer dans un texte qui a sa propre unité et autonomie. Il s'agit-là d'une dénaturation complète de l'œuvre.
Une œuvre s’appréhende et s’analyse telle qu’elle est fixée par son créateur. Pourquoi, des années, voire des siècles plus tard, réécrire ce qui s’inscrit dans une époque et, forcément, dans une vision du monde ? Revisiter Madame Bovary à la sauce années Internet avec texto cochons et rendez-vous balisés par GPS, c’est totalement stupide et injurieux pour Flaubert.
Des arguments fallacieux et "fellatoires"
Si l'on en croit l’éditrice et fondatrice de la maison d’édition Total-E-Bound Publishing, qui lance cette collection "Clandestine Classics", l'idée est d'"améliorer plutôt que déformer" et d'"approfondir les relations entre les personnages". C’est un argument fallacieux et, dans le cas d’espèce, "fellatoire".
Comment être suffisamment prétentieux et stupide pour prétendre "améliorer" Stendhal, Victor Hugo, Maupassant, Steinbeck ou d’autres ? Et puis "approfondir les relations entre les personnages" cela m’amuse, car prétendre que la pénétration approfondirait le personnage c’est de l’humour anglais, incontestablement.
Et si l’argument le moins fallacieux est celui de la censure, il n’appartient à personne d’imaginer ce qu’aurait éventuellement pu écrire tel ou tel auteur si la possibilité lui en avait été offerte.
La littérature érotique, un genre à part
La littérature érotique est, quoi qu’il arrive, un genre à part, car une scène sexuelle dans un livre n’en fait pas pour autant un texte érotique, au même titre qu’un meurtre dans un roman n’en fait pas pour autant un polar.
La littérature érotique prend pour centre de son propos les relations sexuelles, leur organisation, leurs univers, les conséquences qu’elles entraînent sur les personnages. Elle se distingue des autres par sa fonction double : plaisir de la lecture dans son utilisation cérébrale et plaisir du corps dans son utilisation masturbatoire.
Cette idée saugrenue d'ajout de passages érotiques ne me semble pas être une idée d’éditeur mais une idée typique de marketing, où l’on imagine des modèles de consommation reposant sur une demande souvent fantasmée et l’on se dit : "Tiens, on va faire flageller Quasimodo par Esmeralda au sommet des tours de Notre-Dame, Victor Hugo ne pouvait pas l’écrire, faisons-le à sa place". Les gens du marketing sont tellement stupides !
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Je rajouterai pour ma part, ceci :
Les œuvres des soeurs Brontë vont également passer à la moulinette érotique, Jane Eyre est d'ores et déjà annoncé ! C'est un procédé que je trouve scandaleux, car à toutes les époques, les écrivains qui souhaitaient vraiment écrire de l'érotique l'ont fait. Que ce soit Stendhal (qui a paraît-il beaucoup écrit sous pseudonyme), Musset, La Fontaine (et ses fables érotiques)... Donc les autres, nous pouvons considérer que cela ne les tentait absolument pas. Le mercantilisme à tout va pousse à dénaturer totalement des ouvrages, au seul nom du profit. Pauvres auteurs qui doivent se retourner dans leurs tombeaux !
Et pendant ce temps-là, on continue de mépriser les auteurs érotiques contemporains qui pourtant ne manquent ni de talent, ni de productivité...