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PARIS (Sipa) -- La prostitution des jeunes à Paris. Ce sera l'objet de l'intervention du Conseil parisien de la jeunesse (CPJ), une instance de démocratie participative qui rassemble 60 jeunes de 15 à 25 ans, mardi matin, au Conseil de Paris. Le CPJ a mené des audits pendant un an auprès des associations spécialisées. En l'absence de statistiques officielles, il s'est appuyé sur l'observation des spécialistes sur le terrain. Leur constat: elle touche tous les milieux sociaux.
Alors que les étudiants ne sont que très peu concernés, les jeunes étranger(e)s, victimes de réseaux internationaux de traite des êtres humains, sont de plus en plus jeunes; par ailleurs, le phénomène touche des jeunes gens, Français ou étrangers, parfois homosexuels, qui quittent la province pour Paris; enfin, des collégiens et lycéens se prostituent sans même en avoir conscience.
Une fellation contre un téléphone portable... Ce sont les infirmières scolaires et les conseillers principaux d'éducation au sein des établissements scolaires, lycées mais aussi collèges, qui ont fait remonter l'information: des adolescents qui échangent un service sexuel contre un objet. Les associations s'inquiètent de ce phénomène récent, qui ne concerne d'ailleurs pas seulement la capitale. "Les jeunes sont parfois très jeunes. Le corps a une valeur marchande. C'est don contre don", note l'Observatoire de l'égalité femmes-hommes de la Ville de Paris. Plus grave, ajoute-t-on, "ces jeunes n'ont pas conscience qu'ils sont déjà dans un rapport prostitutionnel".
Même constat pour Laurence Alibert, vice-présidente de l'Association contre la prostitution des enfants (ACPE): "ils peuvent commencer par se dénuder devant une webcam, puis cela peut être un baiser contre un peu d'argent. Ils ont parfois 11 ou 12 ans. Pour ces jeunes, la sexualité est très banalisée". Et d'ajouter: "ces jeunes ont vu des sites pornographiques".
Rien ne permet d'affirmer qu'après cette première entrée dans la prostitution, ils poursuivront dans cette voie. Mais ils auront en tout cas "brisé un tabou" et leur estime d'eux en pâtira, poursuit cette spécialiste de la question. Laquelle fait le distinguo entre les "volontaires", qui voient dans la prostitution une forme de transgression et un moyen de gagner un peu d'argent, et les victimes de "lover boy", des filles fragiles mises sur le trottoir par leurs petits copains, parfois mineurs.
C'est la prostitution de survie. Un jeune majeur qui a dû quitter sa famille en province parce qu'elle n'acceptait pas son homosexualité par exemple, ou son foyer de l'aide sociale à l'enfance. Il n'accepte pas toujours bien lui-même son orientation sexuelle et en échange d'une nuit au chaud, a un rapport sexuel avec la personne qui l'héberge. Il a parfois commencé avant sa majorité à avoir des relations sexuelles en échange d'un bien. Là aussi, le jeune n'est pas souvent conscient qu'il se prostitue, explique les associatifs interrogés par Sipa. Selon les spécialistes sur le terrain, ces jeunes ne se prostituent pas souvent contre de l'argent.
L'une des solutions prônées par les associatifs? Des mesures de prévention, les cours d'éducation à la sexualité à l'école notamment, ainsi que la formation des éducateurs. Ce sera l'une des requêtes que formulera mardi le Conseil parisien de la jeunesse. "Il faut sortir la prostitution occasionnelle de la banalisation", explique Cédric Elisabeth, l'animateur du CPJ, qui espère qu'en interpellant la Ville de Paris sur cette question, on fera "la lumière sur ce sujet".
Les étudiantes qui se prostituent pour payer leurs études... Le phénomène existe, son ampleur est là encore très difficile à mesurer. Joint par Sipa, l'UNEF, la première organisation étudiante, explique que "la prostitution des étudiants est très marginale. Ca ne semble pas être un phénomène qui se développe. Si quelques-unes en arrivent là, cela veut plutôt dire quelque chose sur la précarité des étudiants obligés de se salarier tout en faisant des études".
Cela fait plusieurs années que des magazines, documentaires, films, textes évoquent la prostitution estudiantine, et mettent en avant l'aspect lucratif, voire la volonté de transgresser les règles et d'y prendre du plaisir. Une récente enquête menée sur le campus de Montpellier montre que 2 à 3% d'étudiants, parmi ceux qui ont bien voulu répondre aux questionnaires, ont admis avoir (eu) des relations sexuelles tarifées, explique Laurence Alibert.
A défaut de chiffres, les observateurs sur le terrain s'accordent pour dire qu'environ 80% des personnes prostituées en France sont victimes de la traite des êtres humains. La plupart sont des jeunes femmes mineures ou jeunes majeures, originaires des pays de l'Est et de l'Afrique subsaharienne et anglophone, Nigérianes notamment. Si les réseaux se sont développés partout dans l'Hexagone, dans la capitale, le phénomène est de plus grande ampleur, selon certains associatifs joints par Sipa.
Le Conseil parisien de jeunesse appelle à la mise en place d'une enquête sur la prostitution à Paris, afin de mieux la mesurer et donc de mieux répondre au phénomène. La Ville de Paris, par la voix de Fatima Lalem, adjointe au maire, jointe par Sipa, souligne qu'elle entend "renforcer" le travail de grande ampleur menée depuis des années par la Ville de Paris.
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