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Aujourd’hui la sentinelle du mauvais goût ne focalise pas sur le résidu d’un petit hoquet cyclique des tendances. Non, il s’agit ici d’une chose susceptible de bouleverser la société parce que cela touche directement à l’intime : le combat pour le droit aux aisselles poilues qui propose de desserrer de quelques centimètres le carcan de la beauté féminine.
Quelques poils mal placés valent bien une série de menaces de mort. Cette logique absurde s’est vérifiée en mars dernier lorsque les aisselles non épilées d’une Suédoise apparaissent à la télévision. Les dessous de bras de Lina Ehrin sont filmés alors qu’elle assiste à l’émission chargée de nominer l’artiste qui va représenter son pays à l’eurovision. Lorsque la favorite de cette bibliothécaire est sélectionnée, elle explose de joie… Et lève les bras vers le plafond du studio. Pas de bol, si la faute de goût n’est visible que quelques secondes à l’écran, cela suffit pour qu’un téléspectateur capture l’image et la diffuse ensuite sur internet pour offrir cette négligence à la vindicte des internautes.
En réaction, une page de soutien est créée sur Facebook (Ta Håret Tillbaka, quelque chose qui signifie « laissez repoussez vos poils »). Sa créatrice, Dreide Palacios invite ses amis virtuels (plus de mille à l’heure actuelle) à publier une photo de leurs aisselles poilues. Interrogée par Vice, cette professeur d’éducation sexuelle a expliqué qu’elle « n’aurait jamais imaginé que cette question touchait autant de monde. » Selon elle, « le débat permet aux gens de réfléchir autrement. »
Savoir s’il faut permettre aux femmes de laisser repousser leurs poils sous les bras permet en effet de tester les limite du beau. Et prouve en même temps combien le regard sociétal sur le corps féminin est impitoyable. Il suffit pourtant de tourner son attention vers l’Afrique de l’Ouest pour relativiser cette haine du pelage féminin. C’est un post de blog de Rue 89 qui révèle aux néophytes de la côte d’or combien les poils y seraient signe d’érotisme. Un fétichisme qui contredit donc l’acomoclitisme, cette vénération pour les pubis épilés popularisée au tournant des années 90 avec l’avènement de l’industrie porno. L’une des personnes citées au court de l’article avance ainsi : « si les femmes sont poilues cela signifie qu’elles sont viriles, qu’elles vont prendre les devants au lit. »
Outre le message sexuel que peuvent suggérer leur présence, les poils ont aussi une fonction corporelle. Ils permettent de réguler la température du corps et de diminuer la transpiration. En définitive, la pilosité sous les bras serait aussi hygiénique que peu esthétique. Tout du moins depuis la fin de la seconde guerre mondiale, lorsque les jupes se sont mis à raccourcir et les bikinis à conquérir les plages. Avant cette époque de révolution vestimentaire, que l’on qualifie paradoxalement de libératrice pour les femmes, il n’y avait pas de normes strictes pour régenter l’épilation féminine.
Histoire de décomplexer tout le monde, une journaliste britannique de 28 ans a décidé de mener une expérience. Elle a laissé pousser ses poils pendant 18 mois et en a tiré une sorte de manifeste gonzo-féministe intitulé « Ladies, why you should stop shaving » (en version longue sur le Vagendamag : « Hairs! Not the musical »). Emer O’Toole est ensuite apparue à la télévision, en mai dernier, pour exposer le résultat de ce travail au long cours. Des aisselles bien poilues mais un brushing parfait sur le crâne, un sourire de la victoire flanqué sur le visage. Elle venait en effet de casser quelques préjugés sur la pilosité féminine :
« Le garçon avec qui je sortais au début de l’expérience avait un peu d’appréhension (…) Mais quand mes poils ont commencé à pousser il était fier de moi (…) On a ensuite rompu, mais cela n’avait rien à voir à cette histoire de poil. J’ai donc fait ce que toute célibataire londonienne fait et j’ai eu pleins de petit-copains. Aucun d’entre-eux n’y prêtait attention (certains aimaient même). »
Et en dehors de ces actes militants sporadiques, les pro-pilosité continuent d’oeuvrer tranquillement sur le web. On recence ainsi plusieurs blogs faisant l’apologie du poil qui valent le détour, notamment le Hairy Pits Club, un Tumblr qui rassemble depuis 2010 les contributions poilues de filles à travers le globe. Choisissez votre camps et profitez-en pour partager ici vos histoires velues!
Avant que vous ne soyez vous aussi frappées du syndrome Julia Roberts et ne déclariez une fatwa aux rasoirs, amusez-vous à regarder ce spot publicitaire bien kitsch. Respect face à la poésie de Simone : « Quand c’est court, c’est plus classe devant la glace. Plus glamour plus de strass quand tu m’embrasses. »
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