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Nées au siècle des Lumières et du libertinage, les montres érotiques ont été combattues par les autorités religieuses. Aujourd’hui, elles recommencent à séduire les clients. Le point sur cette renaissance alors que Baselworld bat son plein.
La deuxième moitié du XVIIIe siècle a vu se croiser entre Jura et Léman les pionniers de l'horlogerie et les philosophes des Lumières, venus s'abriter des foudres du roi de France. Parmi ces derniers, quelques libertins audacieux s'émancipaient de la chape de plomb de l'église catholique et abordaient sans tabou les interdits de l'intimité.
Avec l'apparition des mécaniques horlogères, des artisans imaginent des pièces mettant en scène des histoires coquines. Dans la veine des écrits de Sade ou Choderlos de Laclos, le succès est immédiat. En quelques années, l'aristocratie européenne se passionne pour ces mécanismes au parfum d'interdit.
En Angleterre, ils gagnent même un nom et deviennent des «Conversation pieces», car ils donnent l'occasion de glisser sur des terrains de discussions osées. A Genève, les familles bourgeoises offrent ces coquins mécanismes aux jeunes mariés. Tantôt juste peints, tantôt animés, ils font fi des interdits moraux.
Mais dans la cité de Calvin, il ne faisait pas bon en ce temps de se passionner pour la gaudriole. Comme les églises catholique en France et anglicane en Grande-Bretagne, le clergé réformé fait la chasse à ces objets subversifs et les fait détruire. En 1817, une interdiction de fabrication est même promulguée dans la ville du bout du lac.
Ces interdits ne découragent toutefois pas les passionnés tout au long des XIXe et XXe siècles. En Egypte, le roi Farouk réussit au début du XXe siècle à rassembler une très belle collection de montres érotiques. Après son départ du trône, celle-ci fut mise aux enchères.
A Genève, c'est un enfant de la cité, l'acteur Michel Simon, qui s'éprend de ces modèles. Il en ajoute une série à celles déjà réunies par son père, lui aussi passionné. Deux ans après sa disparition, en janvier 1977, la maison Antiquorum vend ces trésors à Genève.
Il faut attendre 1993 pour voir de telles audaces resurgir dans les collections des grandes maisons horlogères. Et c'est Blancpain qui ose s'aventurer sur ce terrain. Différents modèles sont proposés depuis, s'inscrivant dans la tradition des artisans du siècle des Lumières.
D'autres grandes marques ont également esquissé un pas dans cette direction. Mais toutes n'affichent pas ces modèles dans les vitrines de BaselWorld et les réservent à certains regards avertis.
A petite échelle aussi, mais souvent sur commande, l'artisan horloger genevois Svend Andersen élabore aujourd'hui des montres de ce genre. Ses personnages, inspirés du hentai ou des estampes japonaises ou des dessins de la Grèce antique, se cachent parfois sous des boitiers amovibles. Mais savent aussi s'exhiber au vu de tous.
«Tout est parti d'un client italien qui a ramené une pièce ancienne de ce type et souhaitait avoir un modèle similaire à bracelet. Le défi était donc d'arriver à un mécanisme ultra plat. Avec l'aide de quelques amis spécialistes, nous sommes venus à bout du challenge. Désormais, je travaille à la commande. C'est du sur-mesure», confie Svend Andersen.
Chaque client peut donc choisir ce qu'il veut comme scène animée par un mécanisme à son poignet. Des plus anonymes à des évocations d'épisodes plus célèbres. «J'ai réalisé pour un client un duo Bill Clinton & Monica Lewinsky. Mais ce genre de travail doit rester discret», glisse le créateur.
Discret mais coquin, comme aux origines du phénomène voici trois siècles... Il ne dira donc pas si les frasques d'un ex-directeur français du Fonds monétaire international auront aussi donné lieu à un mécanisme horloger de haute précision.
(Newsnet)
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